Les archives de la répression des Chinois travaillant dans le Nord durant la Grande Guerre

The archives of the repression of the Chinese working in the North during the Great War

Résumés

De 1916 à 1920, de nombreux Chinois ont été employés par les Français et les Alliés en tant que travailleurs civils dans le Nord de la France, à l’arrière du front britannique. Étant soumis aux mêmes normes et règles que les autres ouvriers des chantiers et des entreprises, ils ont subi les mêmes types de sanctions, peines et condamnations que tout autre citoyen au travail.
Il s’avère néanmoins qu’une répression particulière s’est abattue sur cette catégorie de travailleurs volontaires venus pour aider principalement au transport, à la logistique et au débarrassage des terrains du conflit. Cette répression présente des caractères à la fois coloniaux, sociétaux et enfin politiques dans la mesure où le but des édiles français et des militaires britanniques de la zone des armées était d’imposer un ordre, de supprimer tout mouvement contestataire, de retirer du circuit les individus responsables des troubles.
Dès lors, il apparaît intéressant de s’interroger sur les sources qui disent à la fois les contestations et la répression qui s’exerce sur les travailleurs chinois du Nord de la France. Ces sources sont, d’une part, des textes en chinois, difficilement accessibles à qui ne parle pas la langue, mais qui ont été exploitées par des historiens spécialisés, et d’autre part des documents en français, mais en nombre infime, non regroupés, peu explicites, présents à Lille et à Arras-Dainville aux Archives Départementales. L’étude présente une analyse basée sur trois problématiques : d’abord la matérialité et l’organisation archivistique générale des sources sur les travailleurs chinois, ensuite le discours inhérent à ces sources, et enfin les modes de répression tels qu’ils apparaissent dans ces documents.

Between 1916 and 1920, many Chinese were employed by the French and the Allies as civilian workers in the north of France, behind the British front. And since they were subject to the same standards and rules as other construction and business workers, they were similarly subjected to the same types of penalties as any other citizen at work.
But it seems clear that a particular repression weighed on this category of voluntary workers who came to help mainly in the transport, the logistics and the clearing of the lands of the conflict. This repression has colonial, societal and political characteristics because the aim of French and British armies in the armed zone was to impose an order, to suppress any protest movement, to withdraw from the circuit the individuals responsible for the disorders.
Therefore, it seems interesting to question the sources that tell at the same time the dissent and the repression against the Chinese workers in the North of France. These sources are, on the one hand, texts in Chinese and then difficult to access to who does not speak the language, but that have been used by specialized historians, and, on the other hand, documents in French, but in small number, not grouped, not very explicit, available in Lille and in Arras-Dainville Departmental Archives. The study presents an analysis based on three issues : first, the general materiality and archival organization of sources about Chinese workers, then the discourse inherent of these sources, and finally the modes of repression as they appear in these documents.

Index

Mots-clés

Archives, Répression, Chinois, Grande guerre, Nord de la France, Front occidental

Keywords

Archives, Repression, Chinese People, Great War, Northern France, Western Front

Plan

Texte

Dans mes recherches relatives à une thèse portant sur la Grande Guerre sur le front occidental, j’ai été amenée à m’intéresser aux Chinois employés dans le Nord de la France comme travailleurs civils de 1916 à 1920, et j’ai pu découvrir les divers types de sanctions, peines et condamnations subies par ces Chinois souvent stigmatisés par le milieu dans lequel ils se trouvent à vivre alors. J’ai ainsi pu voir en quoi consistait la répression à l’égard de cette catégorie de travailleurs volontaires venus en France pour aider principalement au transport, à la logistique et au débarrassage des terrains du conflit.

Le contexte territorial de cette région s’avère spécifique depuis le mois d’octobre 1914 : le Nord et le Pas-de-Calais sont partagés entre les occupants allemands qui ont envahi et qui contrôlent l’est et le centre des deux départements, tandis que les Britanniques gèrent l’ouest de l’espace départemental français, depuis la vallée de la Lys jusqu’à la côte face à l’Angleterre. Ce partage en zones militaires et logistiques allemande et britannique, qui a pour contact central la zone rouge du front, celle des champs de bataille, est complété par les instances administratives et municipales françaises qui y exercent les responsabilités politiques. Une de leurs fonctions est le maintien de l’ordre car les deux armées, pour disposer d’un territoire exempt de mouvements contestataires, obligent les édiles français à retirer du circuit les individus responsables de troubles. Les travailleurs civils chinois, employés soit par les Britanniques, soit par les Français, sont donc soumis, comme tout autre habitant de ces deux départements, à un contrôle strict qui s’apparente dans leur cas à de la répression.

Il apparaît intéressant de s’interroger sur les sources qui évoquent à la fois les mouvements de contestation de la part des Chinois travaillant dans la zone des armées britanniques et, en réponse, la répression qui s’exerce sur ces travailleurs civils chinois du Nord de la France. Ces sources sont, d’une part, des textes en chinois, et donc difficilement accessibles à qui ne parle pas la langue, et d’autre part des documents en français ou en anglais, mais alors en nombre infime, non regroupés, peu explicites. On s’appuiera donc à la fois sur des textes chinois exploités par des historiens spécialisés ainsi que sur les documents qui sont disponibles à Lille et à Dainville-Arras aux Archives départementales du Nord et du Pas-de-Calais. L’étude se présente selon trois grilles d’analyse : d’abord la matérialité et l’organisation archivistique des sources sur les travailleurs chinois en général, puis le discours produit par ces sources concernant les travailleurs chinois, et enfin les modes de répression à leur encontre tels qu’ils apparaissent dans ces documents.

Quelles sources pour saisir les travailleurs chinois durant la Grande Guerre ?

Les sources relatives aux travailleurs civils chinois sont peu abondantes eu égard au nombre d’hommes employés dans la zone britannique des armées durant la Grande Guerre et dans la zone rouge du front durant la sortie de guerre, et au nombre des morts inscrits sur les listes de sépultures chinoises des cimetières militaires dont celui, essentiel, de Noyelles-sur-Mer. Leur nombre ? Quel nombre ? Lisons d’abord le document 10 R/4024/125 des Archives départementales du Pas-de-Calais (ADPC) pour comprendre l’incertitude numérique concernant les ouvriers civils coloniaux. Dans la première pièce, datée du 3 février 1919, il est écrit : « 10 000 travailleurs coloniaux sont tous dirigés sur la gare d’Arras, à raison d’une compagnie par jour, soit 425 hommes bien encadrés ». La pièce suivante, datée du 7 février 1919, constate que « nous disposons de 30 000 hommes dont 15 000 immédiatement. » Alors, 10 000 ? 15 000 ? 30 000 ? Encore est-il question, de façon vague, de « travailleurs coloniaux » – qui peuvent être civils, s’ils sont chinois, ou militaires, s’ils proviennent de l’empire colonial français –, sans que soit précisée l’origine géographique de ces hommes. On voit bien que les documents des ADPC matérialisent difficilement la présence des Chinois. Le problème est identique dans les sources chinoises ainsi qu’aux Archives départementales du Nord (ADN) où il est donc compliqué d’identifier ces hommes et de répondre à la question de leurs conditions de vie dans le Nord.

Les sources chinoises sur les travailleurs chinois embauchés dans le Nord durant la Grande Guerre

Pour prendre en compte les sources chinoises sans maîtriser le chinois, il faut consulter les travaux des historiens et sinologues de la Grande Guerre, et en particulier ceux de Li Ma. Li Ma a organisé sur ce sujet, en 2010, un colloque international auquel ont participé des chercheurs spécialistes de la Première Guerre mondiale venant de trois continents et de dix pays1. Il faut retenir de ces travaux ce que l’on avait pressenti à la lecture des documents des ADPC, à savoir l’incertitude des chiffres. Li Yongchang, cité par Li Ma, dit que « quelques centaines [de Chinois] sont morts en France, quelques milliers sont restés en France, quelques-uns ont fondé une famille chinoise en France, et parmi ceux revenus en Chine, certains sont devenus révolutionnaires ou anarchistes et d’autres de simples ouvriers ou paysans2 ». Aucune certitude donc sur le nombre, que ce soit pour ceux présents et restés en France, ou ceux repartis en Chine. D’autres communications, durant ce colloque, ont précisé ces données, mais il est peu question de sources identifiées et explicites apportant vraiment des éléments chiffrés communs aux divers intervenants.

Les mémoires de Zhao Shanlin évoquent de 94 000 à 100 000 hommes civils venus en France par contrat. La fourchette concernant le dénombrement des travailleurs chinois se précise donc mais l’auteur ajoute toutefois que « le nombre exact est inconnu3 ». Cette ambiguïté s’explique et se complique du fait que le recrutement de ces civils est à la fois britannique dans le cadre du Chinese Labour Corps (CLC), et français dans le cadre de la « Mission Truptil » envoyée en Chine en 1915 pour y recruter de la main d’œuvre dans ce pays alors officiellement neutre. Les Chinois recrutés par les Britanniques ont un contrat proche de celui des ouvriers des mines d’or d’Afrique du Sud tandis que les Chinois dépendants de la France signent avec le syndicat Huimin des clauses très précises relatives aux repas, aux vêtements, au chauffage, au salaire et à leurs droits en général4. Il faudrait donc procéder à une confrontation entre les données britanniques et françaises pour connaître plus précisément le chiffre des travailleurs chinois présents dans le Nord de la France durant la guerre et pendant la sortie de guerre.

Il faut remarquer, enfin, que l’intérêt et la reconnaissance, envers ces civils chinois, sont à la fois diffus et tardifs. Côté chinois, les hommes venus en France ont été peu sollicités et ont donc peu communiqué dès la sortie de guerre sur leur expérience en Europe. Le désir actuel de commémoration a permis toutefois de révéler certains de ces itinéraires méconnus. Citons, par exemple, l’ouvrage récent, eu égard à son titre, de Su Lianyuan, intitulé J’ai participé à la Première Guerre mondiale5, publié en Chine en 1997, soit quatre-vingt ans après le départ de son auteur pour la France. Du côté des Européens installés en Chine, des textes coloniaux, surtout d’origine britannique, relatifs à ces départs vers le front d’Occident, existent. Ils sont datés de 19166, de 19177, de 19188 pour les documents administratifs concernant les travailleurs en partance, et de 19209 et 192110 pour ceux concernant les hommes de retour en Chine. Ces récits, ces rapports, ces correspondances n’ont été exploités que très récemment. En témoigne, par exemple, le travail de Michael Summerskil11, édité à Londres en 1982, même si quelques auteurs12 s’étaient déjà précédemment penchés sur la question.

La question des travailleurs chinois dans Le journal des réfugiés du Nord

Pour trouver des traces perceptibles de la présence des Chinois dans le nord de la France, il convient d’ouvrir d’autres pistes. La première consiste d’abord à distinguer ces civils chinois, enrôlés uniquement pour travailler à l’arrière du front, des autres coloniaux d’Asie et d’Afrique qui peuvent être aussi bien des ouvriers embauchés dans les bases arrière que des soldats combattants sur le front allié. La seconde piste est sociétale : durant toute la guerre, Le journal des réfugiés du Nord a donné aux réfugiés nordistes chassés par l’occupant des nouvelles de leur région envahie et des territoires contrôlés par l’armée britannique. Ce bulletin bihebdomadaire est une mine de renseignements sur le quotidien des populations. Les 617 numéros forment un corpus complet sur le temps long de la guerre puisque leur parution s’étale du 31 octobre 1914 au 16 avril 1921. Ces dates incluent le moment de la présence des Chinois qui sont enrôlés à proximité du front occidental en France de 1916 à 1921. Un premier article sur la question date du samedi 22 avril 1916, c’est-à-dire avant le débarquement à Marseille, le 24 août, des 1698 premiers travailleurs chinois. Il est intitulé « Est-ce des Chinois que nous emploierons ? ».

S’il est une question qui doive nous préoccuper dès maintenant, c’est celle du recrutement de la main d’œuvre. Il n’en est guère qui soit plus intimement liée à la renaissance économique du Nord, au relèvement de son industrie et de son agriculture. Là où il y aura, outre des exploitations à remettre sur pied, des ruines à relever, il est évident qu’il faudra plus d’efforts humains qu’ailleurs.
Le gouvernement s’inquiète heureusement de cette question. [Suivent des détails sur l’arrivée des travailleurs coloniaux venant d’Afrique du Nord, d’Indochine et de Madagascar].
Enfin, reste la question de la main d’œuvre chinoise au sujet de laquelle le gouvernement se trouve en présence de propositions qui méritent réflexion.
Un syndicat offre, d’ici un an, l’envoi de 50 000 coolies chinois, c’est-à-dire de simples manœuvres, sans aptitudes professionnelles, avec contrat de cinq ans. On a décidé pour le moment de s’en tenir à une première expérience qui comporte l’engagement de 5 000 Chinois avec contrats de trois ans et faculté de les employer hors de France après la guerre. En même temps on s’efforce, avec le concours de la Société d’instruction française, de recruter des ouvriers chinois par contrat libre qui, à travail égal, seraient payés au même taux que les ouvriers français. Quelques-uns de ces ouvriers chinois travaillent déjà dans nos usines pour se perfectionner dans leur instruction professionnelle13.

Le journal amène habilement, auprès des lecteurs, le sujet de la présence éventuelle des Chinois dans le territoire du Nord. Il évoque leur travail durant la guerre mais aussi la possibilité qu’ils puissent continuer à être employés après le conflit, dès la remise en état de la zone du front terminée. « Quelques uns travaillent déjà », ajoute le journal. Si on ne relève encore aucune trace de conflictualité, les termes journalistiques sont peu amènes pour ces hommes qualifiés de « simples manœuvres, sans aptitudes professionnelles ».

Par la suite, seulement trois éditions du journal évoquent ces travailleurs chinois. On les trouve sur une photo du numéro 263 (9 mai 1917 : « Arrivée des coolies chinois »), puis dans la retranscription de deux lettres, la première dans le numéro 469 (mercredi 30 avril 1919 : « Mr Auguste Potié ne veut plus de Chinois ») et la seconde dans le numéro 489 (mercredi 9 juillet 1919 : « Les travailleurs chinois, leur surveillance dans les communes »). Ainsi, entre le moment de l’arrivée saluée comme un heureux aboutissement des tractations avec la Chine, et celui de leur départ souhaité, se sont écoulées deux années. On devine, à lire Auguste Potié, sénateur du Nord, maire d’Haubourdin, que la vie des Chinois dans le Nord de la France s’est heurtée durant ces deux ans à bien des problèmes.

Monsieur le président, vous avez bien voulu m’inviter à vous signaler les questions qui appellent, dans les régions libérées, une solution urgente. À ce titre, j’ai l’honneur d’appeler votre attention sur le fait que, depuis la libération du Nord, 500 travailleurs chinois sont cantonnés dans ma commune alors qu’ils travaillent aux portes de Lille.
Non seulement ce cantonnement les éloigne du lieu de leur travail, mais cet éloignement même de Lille rend particulièrement difficile leur surveillance. J’ai signalé à maintes reprises le danger que cette situation représentait. […] J’ai indiqué que, le soir et la nuit, de nombreux actes de pillage, de vol et de violences étaient commis, semant l’insécurité parmi nos paisibles populations. Nous sommes arrivés aujourd’hui à la phase prévue de l’assassinat. […]
J’espère que vous voudrez bien intervenir pour que, tout au moins, on éloigne enfin d’Haubourdin ce groupe de travailleurs chinois qui n’y a que trop longtemps séjourné, et dont la présence prolongée constitue, non pas seulement une charge à bien des points de vue, mais surtout un danger chaque jour croissant14.

La lettre du sénateur du Nord montre que les conditions de la vie quotidienne des travailleurs chinois sont difficiles du fait de l’éloignement entre logement et travail, de leur déconsidération auprès des officiels qui voient en eux au mieux une charge, au pire des dangers, et de leur discrédit dans la population locale qualifiée de paisible tandis qu’eux sont considérés comme des pilleurs et des voleurs en puissance. La répression n’est pas loin, surtout que la situation est telle que « nous sommes arrivés aujourd’hui à la phase prévue de l’assassinat » [il s’agit sans doute d’une allusion à un fait divers] selon Auguste Potié, sénateur, et « qu’il importe qu’il soit mis un terme absolu aux abus », selon Armand Naudin15, préfet du Nord et auteur de la seconde lettre. Les trois parutions dans Le journal des réfugiés du Nord sont donc bien significatives du climat de plus en plus hostile qui a entouré les divers groupes de Chinois installés dans le Nord de la France.

Les dossiers des Archives départementales du Nord (ADN) concernant la répression des travailleurs chinois

Deux dossiers présents aux ADN, concernant les coolies travaillant dans le Nord durant la Grande Guerre, sont regroupés sous deux termes génériques distincts ; l’un, nommé « Incidents entre travailleurs chinois et auxiliaires anglais », appartient à la série R (Affaires militaires), sous-série 9 R (Première Guerre mondiale) ; l’autre, ayant pour titre « Les travailleurs chinois », se trouve dans la série M (Services de la préfecture et de police de 1800 à 1940). Ces deux dossiers comportent de nombreux documents. On en compte 77 en tout. 62 relatent des incidents survenus au sein des groupements de travailleurs chinois, particulièrement ceux travaillant à l’usine de Firminy à Dunkerque (ADN, 9 R 1048 et 1052). Cette usine très performante, dite aussi « usine des Dunes », est une succursale des aciéries et forges de Firminy (Loire) qui s’est spécialisée depuis 1911 dans la production de matériel d’armement. Son rôle, essentiel pour les alliés, justifie probablement le contrôle très strict de ses ouvriers, en particulier de ses travailleurs chinois16. Les 15 autres documents portent particulièrement sur l’état d’esprit de la population par rapport à la présence des Chinois (ADN, M 149/5 et 208/133). Ces deux dossiers sont révélateurs de la suspicion et de la répression qui se sont abattues sur ces travailleurs civils durant la Grande Guerre et pendant la sortie de guerre.

La série R présente un panel de lettres émanant surtout du 36e corps d’armée, première légion de gendarmerie, compagnie du Nord, arrondissement de Dunkerque. Le principal sujet est relatif aux grèves ouvrières. Les dates extrêmes du dossier vont du 31 janvier 1917 au 7 septembre 1918. Il y est question de bagarres entre Chinois, de « menace pour la population civile, étant donné cette violence », et de « garde réellement insuffisante des 4 000 Chinois par les Anglais ». La vision des Chinois est donc essentiellement négative, que ce soit en ville, à Dunkerque, où ces travailleurs sont employés, ou à la campagne, à Armbouts-Cappel, où ces hommes sont logés. Le dossier est uniquement à charge : on n’y lit que les avis et les arguments des gendarmes, des maires et des autorités anglaises contrôlant la zone des armées dont ils ont la charge militaire. Le contrepoint chinois n’apparaît pas. De plus, aucun nom de Chinois n’est cité, si ce n’est celui de leur interprète. Ne sont signalés que des matricules derrière lesquels les personnes sont anonymes.

Le dossier de la série M daté de janvier 1919 (M 149/5) rapporte de façon confidentielle les états d’esprit de la population française au début de la sortie de guerre. Il évoque tous les domaines de l’activité humaine et économique. Il insiste sur les difficultés matérielles des habitants privés de charbon en plein hiver, sur le rejet des soldats anglais pillards, et sur la nécessité du refoulement des évacués étant donné la ruine des habitations et le non-approvisionnement en baraquements pour se loger. Rien sur la présence des Chinois, alors que, dans le même temps, au Conseil Général, des discours critiquent la présence des Chinois qui empêcheraient le retour au travail des populations revenues chez elles17. Par contre le dossier M 208/133 est tout entier consacré aux Chinois. Il s’inscrit dans la sortie de guerre et même au-delà puisqu’il contient des correspondances s’étalant du 12 février 1919 jusqu’au 22 juillet 1932. Le dernier courrier, classé confidentiel, montre que la défiance à l’égard des Chinois existe toujours quatorze ans après l’armistice, puisque les vingt-sept marins chinois quittant Shanghai pour Dunkerque via Marseille sur le S/S André le Bon feront l’objet d’une surveillance pendant leur séjour dans le Nord car « quelques-uns auraient des idées très avancées ». Il apparaît donc, au vu des dossiers des ADN, que l’appréhension vis-à-vis des travailleurs chinois persiste pendant la guerre, lors de la sortie de guerre et durant la paix revenue.

Le discours sur les travailleurs chinois produit par ces sources

La première synthèse sur les travailleurs chinois présentée par Li Ma lors du colloque de 2010 montre, tout comme les documents étudiés aux ADN, une catégorisation des travailleurs et des coloniaux employés en France durant la Grande Guerre induisant un regard spécifique et particulièrement négatif sur le groupe des Chinois18. La crainte à leur encontre s’explique par des raisons géopolitiques : la politique impériale de la France dans son outre-mer déteint aussi sur la dispersion spatiale de ces travailleurs étrangers en France durant la Grande Guerre. Le principal motif de séparation des ouvriers sur leur lieu de travail, notamment entre Chinois et Indochinois, est la crainte d’une éventuelle fraternisation entre les hommes qui favoriserait la diffusion d’idées nouvelles anti-françaises19. Il n’est pas dit que des deux, Chinois et Indochinois, ce sont les Chinois qui seraient les plus enclins à diffuser un message révolutionnaire20, mais le principe de précaution s’applique et les contacts et les mélanges sont à éviter absolument. Cette méfiance contribue encore davantage à rendre les Chinois suspects de discours et de comportements nuisibles.

Trois sources révélant un discours de répression à l’encontre des Chinois

Xavier Boniface21 s’est inspiré des écrits de P. Wou22 traduits en français dans les années 1930 pour « évoquer les éprouvantes conditions de travail des Chinois auprès de l’armée britannique ». P. Wou évoque la manutention, le terrassement des tranchées et des tombes, l’entretien des routes et des voies ferrées, le travail agricole et forestier pour remplacer la main d’œuvre française absente. Il parle aussi, après la guerre, du nettoyage du territoire, du regroupement des cimetières et des cadavres de soldats, du désobusage et du déminage. Il n’est pas question de grève afin de faire comprendre à l’administration militaire qui emploie ces travailleurs que les tâches sont trop lourdes. Pourtant, le danger quotidien auquel sont exposés les Chinois est à la limite du supportable durant tant de jours et de mois passés sans loisirs ni repos véritables. Une interruption de travail de quatre heures « environ » par neuf travailleurs chinois vaut aux récalcitrants une réplique en forme de plainte :

Monsieur le Ministre de la Guerre, dont dépendent les travailleurs coloniaux, a été tenu au courant des événements par les soins de l’interprète Louison, chef de détachement, qui, ayant avisé l’autorité militaire (1ère armée), m’a prévenu moi-même le 6 courant et a adressé le même jour à Monsieur le Procureur de la République à Dunkerque une plainte contre les neuf travailleurs qu’il considère comme ne tenant pas les engagements de leur contrat de travail.23

Les conditions de vie sont également mauvaises. Il faut aussi confronter les récits des travailleurs chinois avec les points de vue des cadres militaires britanniques et français pour souligner combien a été difficile le quotidien de ces hommes. Les témoignages des coolies manquent malheureusement sur leurs contraintes journalières durant la Grande Guerre. Il faut se pencher sur des récits très postérieurs24, forcément transformés par le temps, pour avoir des témoignages sur la vie des Chinois dans le Nord pendant le conflit. Citons pourtant, durant la guerre, Liu Hou25 et Dong Feng26 qui ont milité auprès de leurs compatriotes pour le développement de leur alphabétisation aussi bien en français qu’en chinois avec la création, dès 1917, de la Lü’ou Zazhi ou Revue des étudiants chinois en Europe. Cela inquiète d’ailleurs les autorités qui renforcent le contrôle et la mainmise sur ces travailleurs trop indépendants du système français.

Les critiques formulées par les travailleurs chinois eux-mêmes nous sont connues, paradoxalement, par les autorités militaires et policières installées dans la zone des armées en France. Le commissaire spécial de Dunkerque, affecté à la surveillance des ouvriers de l’usine des Dunes, en rapportant les propos des Chinois, laisse ainsi pour l’avenir une trace de ce qu’étaient les griefs de ces travailleurs. Ces derniers expriment « leur mécontentement pour la mauvaise qualité et l’insuffisance de la nourriture qui leur est servie27 ». On connaît également, par ce biais, les sanctions concernant les travailleurs chinois. Il faut convenir que la réponse des autorités est proche à la fois de la punition et de l’humiliation : « L’examen de leurs doléances et l’interrogatoire des plus paisibles d’entre eux ont permis d’établir que les motifs invoqués étaient faux. L’inexactitude des plaintes formulées a d’ailleurs été reconnue par les intéressés eux-mêmes28 ». Le journal des réfugiés du Nord penche vers la même interprétation des faits en donnant à chaque fois raison aux administratifs et en critiquant systématiquement les agissements des travailleurs devenus des contrevenants.

Les griefs des civils à l’encontre des travailleurs chinois

Quelles que soient les sources, chinoises, britanniques, françaises, contemporaines au conflit ou récentes, on retrouve les mêmes griefs reprochés aux Chinois : l’invasion de l’espace de vie des habitants de la région, le fait de terroriser les populations locales, les dégâts causés aux biens, aux cultures et à l’environnement. À Saint-Pol-sur-Mer, le 2 septembre 1917, le maire et ses adjoints se plaignent nommément des « travailleurs noirs » (il s’agit des Chinois cantonnés dans la commune) : « Nous portons à votre attention que des attentats à la pudeur vont se produire de la part des noirs qui offrent de l’argent aux enfants ainsi qu’aux femmes qu’ils rencontrent »29. La présence des travailleurs chinois sur le territoire communal de Saint-Pol-sur-Mer durant, probablement, les quelques heures de loisirs dont disposent les ouvriers contractuels, est perçue comme un envahissement insupportable. Les tentatives de rapprochement avec les habitants sont vues aussi comme une forme de détournement de mineurs et de racolage des femmes. « La population est indignée de voir ces gens circuler avec tant de libertés » : en conséquence, le camp des travailleurs chinois sera déplacé dans le cordon des dunes à l’ouest de Dunkerque afin que leurs sorties ne heurtent personne, ce secteur étant vide d’habitants.

Tout est prétexte à suspicion. Les Chinois ont vu tomber une torpille à proximité de leur cantonnement de repos. Après une telle frayeur, « ils ont marqué une grande hésitation à reprendre le travail », et les voilà donc accusés par la direction de fomenter une grève. Comme, du fait des bombardements tout près de leurs baraquements, « ils prétendent n’avoir pas assez dormi durant la nuit », la direction de l’usine des Dunes prévient le Général Gouverneur de Dunkerque et « demande des gendarmes pour assurer, le cas échéant, un service d’ordre en raison de l’énervement des Chinois ». Les relations entre Français et Chinois trouvent sans cesse de nouveaux prétextes pour se dégrader. C’est aussi ce qu’ont remarqué L. Cesari et D. Varaschin30 en constatant, d’après leur étude des sources chinoises de la Grande Guerre, que ce resserrement autoritaire autour des travailleurs, au lieu d’être dissuasif, n’a fait que développer un sentiment de solidarité de plus en plus fort entre eux.

Les habitants reprochent aussi, et surtout, aux Chinois de les spolier de leurs biens et de dégrader ceux-ci :

J’ai l’honneur de vous faire connaître que les Chinois employés par l’Armée britannique, ayant quitté leur camp depuis plusieurs jours, continuent de commettre des dégâts et des vols de récolte dans la campagne. Ils menacent du couteau les commerçants et cultivateurs quand ils ne peuvent obtenir du pain, du vin, de la charcuterie ou des légumes, etc.
Leur attitude est souvent hostile vis-à-vis de la police militaire anglaise ou municipale, parfois même manifestement menaçante.
Ils errent dans les rues et la campagne, par bandes, très nombreux, prennent leurs repas sur la voie publique, occupent des caves ou des tranchées-abris destinées à la population civile, refusent d’en sortir, menaçants31.

Les civils du Dunkerquois, épouvantés par les comportements des travailleurs chinois, en rendent compte aux autorités qui démarrent de nouvelles représailles. Les dires ne sont ni attestés ni vérifiés mais la condamnation tombe : ce seront deux Chinois qui seront arrêtés comme meneurs et déférés au Tribunal correctionnel de Dunkerque pour entrave à la liberté du travail32. Après la guerre, on trouve des faits identiques. Ainsi, à Santes, le 12 février 1919, trois Chinois sont entrés de nuit dans l’habitation de Monsieur Lemoine, boucher. Ils sont montés à l’étage et ont été arrêtés par les occupants « qui s’étaient levés à la hâte en s’empressant de défendre l’entrée de leur chambre à coucher. […] Un des Chinois, armé, a tiré à bout portant sur la belle-sœur du boucher Lemoine. Elle porte une blessure assez grave, laquelle, selon l’avis du docteur, ne met pas ses jours en danger. Les Chinois ont pu prendre la fuite. » La correspondance qui relate ce fait divers a pour titre « Tentative de vol commise la nuit, à main armée, par des Chinois ». Si l’intitulé n’évoque pas de blessure, c’est que la plaie dut être légère. Mais, conclut le dossier à l’encontre des Chinois, « il semble cependant que leur intention était d’y commettre un vol »33.

L’incompréhension réciproque

Dans le dossier ADN, 9 R 1048 et 1052, relatif aux groupements de travailleurs chinois, particulièrement ceux travaillant à l’usine des Dunes à Dunkerque, et comprenant 62 documents, on n’en trouve qu’un seul qui accorde un regard relativement positif sur les Chinois. Il s’agit d’une lettre du commissaire de police de Saint-Pol-sur-Mer adressée au sous-préfet de Dunkerque. Le 8 septembre 1917, ce commissaire - qui signe de façon illisible - déclare avoir vu, en effet, les travailleurs de l’usine des Dunes :

J’ai l’honneur de faire connaître, Monsieur le Sous-Préfet, que les travailleurs chinois, employés par l’autorité britannique, ont quitté Saint-Pol-sur-Mer, sauf quelques retardataires. Pendant quelques jours, leur attitude fut inquiétante. Ils commirent quelques dégâts et quelques vols de récoltes, sans beaucoup d’importance34.

Pour la première fois, un représentant de la police tient un discours qui peut être qualifié d’apaisé et de modéré. Au lieu de fustiger les quelques-uns qui ne sont pas retournés au travail après sommation, le commissaire parle de « quelques retardataires ». Au lieu de voir les heures sombres du délit et du conflit durant lesquelles la commune de Saint-Pol-sur-Mer a failli sombrer sous les attaques des étrangers, le commissaire qualifie « leur attitude » de simplement « inquiétante ». À la place de l’énumération éventuelle des dégâts et des larcins commis, le commissaire rappelle qu’il s’agit de « quelques vols de récolte, sans beaucoup d’importance ». Rarement, de la part d’un commissaire, on note un pareil retournement des préjugés et des comportements.

Mais il s’agit bien du seul représentant de l’autorité à faire preuve d’un peu de clémence – ou de discernement - dans le dossier. Les 61 autres documents sont à charge. Citons le maire d’Armbouts-Cappel :

Comme suite à l’entretien que j’ai eu avec vous le 8 courant, je proteste de la façon la plus énergique contre l’invasion du territoire de ma commune par les Chinois.
Non seulement la population est terrorisée, mais des dégâts immenses ont été faits aux récoltes et la culture souffre considérablement du fait de l’établissement de camps dans des terres qui doivent être cultivées pour les prochains ensemencements. Cette situation ne peut durer.
Les moyens dont je dispose sont absolument insuffisants pour protéger la population.35

Le mécontentement autour des Chinois entraîne par ailleurs des rapports tendus entre tous. Ce maire d’Armbouts-Cappel a lui-même des démêlés avec le représentant des forces de l’ordre qu’il a appelé pour protéger la population, lequel a mené une enquête dans la commune ainsi qu’auprès du maire. Le maire est choqué de ne pas voir prise en compte la liste de ses griefs à l’encontre des travailleurs chinois :

J’ai l’honneur de déposer entre vos mains une plainte contre le lieutenant attaché à la mission française auprès de l’armée britannique qui a été chargé de faire une enquête sur les réclamations de mes administrés sur le camp chinois établi à Armbouts-Cappel. […]
Cet officier me répondit d’un ton arrogant que je disais des imbécilités, que je mentais, que je complotais pour créer des difficultés à la mission française, que j’étais un tyranneau de village. Il va de soi que j’ai vertement relevé l’incorrection de cet officier. […]
Je croyais que les relations entre les administrations militaires et civiles devaient être correctes ; et toujours je me suis efforcé de faciliter la tâche des troupes qui ont cantonné dans ma commune.36

Ainsi les documents montrent que, d’une part dans le Dunkerquois les rapports entre la population civile et les travailleurs chinois ont été difficiles, et que, d’autre part, à Santes et dans la région lilloise des tensions ont engendré des perturbations chez les civils entrainant des incompréhensions réciproques autour des camps d’ouvriers. La situation est partout explosive, durant la guerre comme pendant la sortie de guerre

Les modes de répression tels qu’ils apparaissent dans ces documents

De 1916 à 1921, les civils chinois sont nécessaires à la vie économique du pays du fait de l’absence des hommes adultes, mobilisés dans l’armée française ; ces travailleurs déblaient les sols détériorés par la guerre, ils sont embauchés dans les usines d’armement et sur les quais de déchargement, ils rétablissent les réseaux de communication. Pourtant, en dépit de ces tâches lourdes, presque partout où ils ont été installés, ces hommes font peur aux populations locales qui réclament contre eux le déploiement des forces de l’ordre. Et, souvent sans vraies justifications, il y a alors divers modes de coercition et de répression qui s’exercent à l’encontre des Chinois.

Le crescendo dans les demandes de sanction face aux « incidents »

La première voie de fait reprochée aux Chinois est le vol. Devant les préjudices subis, il faut bien que les objets subtilisés soient restitués. Un cas précis montre que les larcins en question sont compréhensibles, mais que les autorités administratives n’en ont cure :

À la suite des bombardements aériens d’octobre, sept ouvriers chinois ont entrepris la construction d’abris plus résistants que celui déjà édifié pour eux. Les Chinois construisirent alors dans les dunes, en se servant de matériaux pris ça et là dans l’usine 6 ou 7 petits abris.
Ce fait étant parvenu à la connaissance de la Direction, ordre fut donné par cette dernière de détruire les abris provisoires édifiés par ses ouvriers coloniaux.
Cette décision a provoqué une certaine effervescence parmi les Chinois et il est à craindre que, si un nouveau bombardement survient, le chef du groupement et ses adjoints soient impuissants à réprimer les troubles qui peuvent en résulter37.

Cette attitude vis-à-vis des personnels chinois est d’autant plus déplaisante pour eux qu’ils ont entrepris, par eux-mêmes, d’améliorer leurs conditions de logement ; certes, afin de renforcer leurs baraquements, ils se sont emparés de matériaux provenant de leur usine des Dunes, mais, aux dires du Chef de secteur de l’établissement dit aussi « de Firminy », ces objets « auraient pu être récupérés dans la reconstruction d’un bâtiment définitif ». La sanction imposée aux Chinois – la démolition pure et simple des abris – pénalise donc à la fois les travailleurs chinois et les cadres conciliants qui les surveillent.

Un second exemple montre que l’attitude envers les Chinois sait rarement se faire tolérante. Prenons la lettre de Monsieur Berch, gérant des Établissements Catry, à Téteghem. Un groupe de travailleurs chinois vient d’arriver dans un cantonnement de la commune. Cantonnement qui doit être ouvert aux vents et qui ne permet probablement pas aux ouvriers d’avoir assez chaud puisqu’ils ont repéré un four de briqueterie dans lequel ils viennent se glisser dès la nuit tombée.

Une certaine quantité (100 environ) de Chinois viennent tous les soirs se mettre à l’abri au four de ma briqueterie. Je ne vois aucun inconvénient à ce qu’ils se mettent à l’abri, mais je désire que l’on ne leur permette pas d’utiliser mes paillassons pour couchage, ce qui me cause un grave préjudice (Ils ne tiennent aucun compte de mes observations). J’espère que vous voudrez bien donner des ordres en conséquence pour éviter ces ennuis38.

La demande de Monsieur Berch est celle d’émettre des « ordres en conséquence pour éviter ces ennuis », sans plus de précisions. Il y a, sous-entendu, un désir de surveillance accentué envers ces travailleurs qui devraient se maintenir durant la nuit dans le baraquement qui leur est attribué. C’est le second degré des sanctions souhaitées : la résidence surveillée de ces ouvriers étrangers.

Considérons à présent la plainte de Monsieur Wemaëre de Dunkerque, vice-président de la Société des Agriculteurs du Nord. Lui aussi regrette que les Chinois ne dorment pas dans leur camp :

Les autorités anglaises peuvent s’en convaincre en allant sur place le soir vers 18 h 30 à la ferme Nortland. Elles verront le défilé des ouvriers allant coucher dans les prairies et dans les watergangs. Les fermiers sont obligés de garder leurs exploitations, ce qui suppose d’intenter une action civile en remboursement de tels frais. Cette situation pénible ne peut se prolonger et il serait à souhaiter que l’autorité britannique se décide à donner satisfaction à de légitimes revendications.

Le troisième degré des demandes de réparations envers les travailleurs chinois est ici l’action en justice. Comme certains de ces ouvriers sont dépendants de contrats signés avec l’armée britannique, c’est contre cette autorité que les plaignants français se tournent : d’abord, il est demandé aux Britanniques de constater la véracité des reproches ; deuxièmement, les populations locales insistent pour qu’un préjudice financier soit reconnu ; troisièmement, il faudrait que ces revendications aboutissent, autrement dit que les Britanniques paient les sommes réclamées tout en se faisant respecter de leurs travailleurs. Or, il faut bien reconnaître que les contrats d’embauche britannique ne laissent guère de répit aux Chinois qui, pour un salaire bien mince et des conditions de logement très rudimentaires, sont tenus à des travaux pénibles sept jours sur sept, sauf un jour de repos par quinzaine à partir de l’automne 191739.

Le quatrième degré est la demande d’encadrement des travailleurs chinois. Il faut considérer pour aborder ce grade supplémentaire dans le contrôle répressif la lettre du chef de brigade de la gendarmerie d’Armentières Gautier.

Le détachement de travailleurs coloniaux dont, faute d’interprète, il n’a pas été possible de savoir le nombre, et qui est attaché à l’Armée britannique, est cantonné à Prémesques.
Ces travailleurs, insuffisamment surveillés, trainent la campagne, incendiant parfois le boisage des tranchées à proximité des dépôts de munitions et non loin des maisons.
En outre, ils rôdent constamment à proximité des habitations, semant, par leur attitude équivoque, une certaine crainte parmi les habitants nouvellement installés.
Il serait désirable que ces travailleurs soient fortement encadrés et surveillés, la brigade d’Armentières ne pouvant seule assurer leur surveillance et celle de la circonscription40.

Cette demande de fort encadrement est à rapprocher du désir du chef du Service de Liaison français de Wimereux qui insiste pour que « en tout temps, il y a à s’abstenir de tout rapport ou communications avec les travailleurs chinois41 ». On est bien dans l’exclusion-répression des ouvriers indigènes qui, à cause de faits qui sont de leur ressort et de leur attitude, se trouvent mis au ban de la population locale, aussi bien sur la côte que dans l’intérieur du département du Nord.

Le crescendo dans les demandes de sanction face aux « crimes »

Mais, plus que des larcins et des dégradations, il est question aussi de fautes graves reprochées aux travailleurs chinois, notamment des coups échangés. Le 11 juillet 1917, le Capitaine Thillard porte à la connaissance de ses supérieurs du 1er Corps d’Armée que si un chef d’équipe chinois fut frappé à coups de barre de fer, un chef d’équipe français fut menacé, et que dix hommes sur les 450 du groupe chinois ont été déposés à la caserne Guillemint. Le capitaine ajoute : « Il y a lieu de remarquer que les ouvriers chinois travaillant à l’usine de Firminy à Dunkerque-Leffrinckouque ont été recrutés dans la province de Chan Toug qui, avant la guerre, passait pour subir tout particulièrement l’influence allemande42 ». Les grands mots sont lâchés : les Chinois seraient hostiles à l’alliance franco-britannique et leurs menées séditieuses viseraient à favoriser l’Allemagne. Le ministre de la Guerre propose alors que les dix Chinois arrêtés soient envoyés sur Gray, en Haute-Saône. Finalement, autre sera la sanction prononcée par le Tribunal Correctionnel de Dunkerque :

Un, à 3 ans de prison,
Un, à 2 ans de prison,
Huit à 1 an de prison,
Et à 3 000 francs d’amende.43

Il faut remarquer que, depuis le début de cette étude, pas un nom de Chinois n’est donné ; les autorités ne les connaissent pas nommément. Il n’y a pas non plus de matricule ; il permettrait d’identifier les contrevenants. Au lieu de cela, on constate une absence de visibilité des personnes : les Chinois sont des individus perçus comme intégrés à une masse dont les employeurs ne parviennent pas à extraire les hommes isolément et distinctement. Ici, l’un des travailleurs, désigné par le vocable « un », est condamné à trois ans de prison tandis qu’à un autre, qualifié aussi de « un », sont dévolus deux ans de prison. Ce n’est que le 2 octobre qu’un nouveau courrier du Commissaire Spécial chef de secteur donne, cette fois, les numéros de matricule des dix personnes sanctionnées pour les évènements de juillet. Une autre affaire grave va se produire bientôt, deux mois après les événements de Firminy :

Télégramme officiel (extrême urgence)
Cessation de travail et révolte travailleurs chinois usine Firminy Leffrinckoucke 4 septembre 6 heures –
Sans aucune provocation travailleurs chinois ont lapidé Gendarmerie service ordre et forcé celle-ci à faire usage des armes après qu’un gendarme et le chef de groupement interprète eurent été blessés et plusieurs gendarmes contusionnés –
Un chinois tué, six blessés –
Ordre rétabli –
Mesures proposées pour évacuation partielle des travailleurs chinois

Les mesures appliquées après ce drame du 4 septembre 1917, que représente la mort d’un homme dans les rangs des travailleurs chinois, sont 1) la mise en place de trois mitrailleuses aux abords du campement, 2) l’arrivée d’une quinzaine de gendarmes, 3) le confinement obligatoire des ouvriers chinois. Ce n’est qu’après ce décès et ces mesures que les autorités militaires britanniques et françaises ainsi que le lieutenant de Gendarmerie Bourgeois et le directeur de l’usine Monsieur Michelat se sont intéressés aux revendications précises des travailleurs chinois. Ils ont ainsi appris que nombreux parmi eux demandaient à réintégrer le dépôt de Marseille. Au lieu d’accéder à leur demande, cette centaine d’hommes fera l’objet d’une épuration sérieuse avec intégration dans un groupement disciplinaire44. Le 5 septembre, il est question d’éliminer les mauvais esprits et les travailleurs les plus turbulents. Le 13 septembre, la parade trouvée pour calmer la rébellion est la dispersion du groupe des travailleurs dans une multitude de petits camps, neuf en tout : « un près de la ferme des Jésuites au sud de Rosendaël et les huit autres le long du canal de Bourbourg45 ».

L’année 1917 se prolonge par de nouveaux conflits qui se terminent, selon la gendarmerie, par le constat que « le calme est rétabli partout ». L’année 1918 est traversée pareillement par des convulsions internes au monde des travailleurs sans que les rapports ne soient alarmistes. En dépit des contrôles et des mises à pied régulières, survient un nouvel épisode de rébellion, mais cette fois avec quatre tués du côté chinois.

Mon colonel, […] J’ai l’honneur de vous informer que les Chinois se sont battus sur le territoire de Petite-Synthe et que quatre d’entre eux ont été tués. Il est certain que des dangers menacent la population civile par suite du voisinage de ces quatre mille Chinois gardés par dix-huit Anglais, garde réellement insuffisante46.

Le dossier ne contient pas de réponse ni de prolongement. Et pourtant il y a quatre morts. On ne connaît pas les suites. Les hommes en charge des affaires publiques donnent ainsi l’impression que, si un problème est interne au groupe des travailleurs chinois, il faut éviter d’ébruiter l’affaire et d’accorder trop d’importance à ces conflits et à ces meurtres afin de ne pas affoler les civils riverains de ces groupes.

Le decrescendo dans les attitudes des civils et des militaires face aux « incidents » et aux « crimes »

Ainsi que le dit avec véhémence H. Lecocq, maire de Salomé, il est impossible à un petit nombre de gardes de pouvoir exercer une surveillance active sur les 350 Chinois placés sur son territoire communal. Il précise :

Ces hommes ne veulent pas travailler. Ils pillent, volent, saccagent tout et vont jusqu’à faire du feu sur le plancher des immeubles encore habitables et il est impossible de les en empêcher. J’en ai causé avec l’officier anglais qui partage complètement mon avis. Et il m’a dit qu’il allait adresser à son Colonel un rapport à ce sujet. La population est indignée de leur façon d’agir et je viens en leur nom et au mien vous demander de bien vouloir faire le nécessaire pour leur faire quitter la localité le plus vite possible47.

Certes, les populations disent souffrir des attitudes indignes des Chinois. Certes, les lourdes sanctions contre ces travailleurs peuvent se justifier par les comportements parfois prédateurs de ces hommes qui accaparent illégalement des légumes, du bois ou des matériaux de construction. Certes, leur survenue dans les maisons des habitants des communes où leurs camps sont stationnés est une vraie intrusion dans des domiciles privés où leur présence est illicite. Certes, quand il y a bagarre avec des gendarmes venus faire respecter la loi, les échanges de coups avec les gardiens de l’ordre sont interdits et de ce fait répréhensibles. Mais, devant la montée de ces faits durant l’année 1917 et l’apparition des premiers morts dans les rangs des ouvriers chinois, les avis, à partir de 1918 et surtout ensuite, deviennent plus nuancés. L’idée même d’une répression qui serait nécessaire contre les seuls Chinois commence à être battue en brèche. L’Adjudant Général J. B. Wroughton est le premier à émettre un doute sur la réalité des affaires qui sont reprochées à ces travailleurs et sur leur rôle unilatéral dans les moments de tension qui ont égrené les mois de leur présence sur le sol du Nord.

En réponse aux différentes communications qui ont été faites aux autorités militaires britanniques au sujet de l’emploi de la main d’œuvre chinoise en France et dans les Flandres, et particulièrement pour ce qui a trait aux plaintes faites au sujet de la conduite de ces travailleurs, j’ai l’honneur de vous informer que la discipline des Chinois a été l’objet de ma considération toute particulière pendant ces derniers temps.
Voici la réponse à ces problèmes et questions.
Des efforts sont tentés pour employer, dans la zone en question, un délégué assistant prévôt qui parle le chinois.
Des arrangements sont maintenant pris pour assurer le rapatriement de certains de ces travailleurs chinois. On a l’intention dès le début d’envoyer ceux qui se seront montrés les plus turbulents.
Relativement au vœu qui a été exprimé par les autorités françaises et belges de déplacer les Chinois de la région, je désire faire remarquer qu’une grande partie des travaux de déblaiement sont faits par les Chinois. […]
Je vous ferais remarquer que la plupart des difficultés qui ont surgi pour maintenir la discipline sont dues au fait que les civils français et belges ont encouragé les Chinois à acheter et à vendre des denrées interdites, de différentes sortes, et les ont amenés à rentrer chez eux. […]
Dans la grande majorité des cas, quand des collusions ont lieu entre Chinois et habitants, de tels faits sont presque invariablement le résultat de rapports directs des civils avec ces travailleurs48.

Voici une défense en règle des travailleurs chinois. Défense qui s’articule en cinq points : nécessité de la présence d’un interprète parlant chinois, rapatriement des plus turbulents, rappel de l’énorme travail de déblaiement effectué par ces hommes, responsabilité des civils qui attirent chez eux les ouvriers, contacts trop fréquents et directs avec ce groupe de travailleurs. Ce point de vue n’est pas isolé. Un autre Britannique, le Lieutenant-Colonel W. Madock, demande également aux civils français d’arrêter « la provocation des populations contre les Chinois ». Il ajoute :

Le personnel de la 113e compagnie de travailleurs chinois est particulièrement bien discipliné et, depuis l’arrivée de cette compagnie à Haubourdin, aucune plainte n’a été reçue. La patience et la soumission de ce personnel ne sont pas sans bornes et le temps peut venir où elles seront soumises à une trop forte épreuve. Je me porte garant que les Chinois laisseront les civils tranquilles si les civils, de leur côté ne les agacent pas par leurs provocations.
J’ajouterai que bien des crimes ont été imputés aux Chinois mais que, très souvent, les présomptions dont ils étaient l’objet ont été contournées. Plusieurs meurtres imputés aux Chinois se trouvent, par exemple, être le fait d’un individu appartenant à la compagnie des travailleurs noirs du Cap49.

Les Britanniques vont encore plus loin dans la défense des Chinois en imputant aux civils français des régions où travaillent ces civils étrangers des attaques et des voies de fait contre eux. Ainsi, le matricule n° 17 637 a fait une déposition le 14 juillet 1919 pour dénoncer les coups et blessures reçues de la part de quatre Français qui l’ont renversé et lui ont donné des coups de pieds avant de s’enfuir. Le Lieutenant C. R. Maquire ajoute : « Quelque disciplinés et bien tenus que soient les Chinois, le temps viendra inévitablement, si ces sortes d’attaques se reproduisent, où les Chinois voudront se venger. Il appartient aux autorités d’arrêter de monter les esprits contre ces travailleurs »50.

Les Chinois sont venus pour aider au redémarrage économique du Nord, pourtant ils ont eu à subir une répression violente (4 morts le 7 septembre 1918 à Armbouts-Cappel, par exemple), l’envoi de la cavalerie qui charge contre eux (13 septembre 1917 à Dunkerque), le déplacement dans des camps isolés sans que les autorités ni les habitants ne s’en émeuvent. Ainsi, depuis les premières arrivées des travailleurs chinois en 1916 jusqu’à leur départ en 1920, le mot de répression est celui qui résume le mieux la façon dont la présence de ces travailleurs a été accueillie. Les sources convoquées, de trois ordres, montrent bien des actions menées par les autorités locales afin d’imposer un ordre social tangible qui, jamais au long des quatre années, ne s’est réalisé. Ces sources permettent d’en comprendre les raisons : incompréhension réciproque des modes de vie, des besoins et des schémas mentaux des uns et des autres. Il n’y a eu, d’une part et de l’autre, ni volonté délibérée de nuire ni envie féroce de réprimer. Ainsi, grâce à cette mise à distance par l’étude attentive des sources, il est possible de dire que, parmi les couples antinomiques proposés comme fil d’analyse par l’argumentaire de cette journée d’étude doctorale, si le couple ordre/désordre a été une réalité observée, l’autre binôme contestation/répression semble outrancier. Ce sont les mauvaises interprétations des attitudes et comportements des travailleurs chinois, et non la réalité de ces attitudes et comportements, qui ont surtout amené les autorités à réprimer, et souvent très durement.

1 Li Ma (dir.), Les travailleurs chinois en France dans la Première Guerre mondiale, Paris, CNRS éditions, 2012, Actes du colloque du 26 au 30 mai

2 Li Yongchang, Lü Ehuagong yu shiyue yeming, Shijiazhuang, Hebei Jiaozuo chubanshe, 1988, p. 36-37 (cité par Li Ma).

3 Zhao Shanlin, Yizhan qi Jiang wo zai Fanguo ren huangong jicha de huiyi, (Mon souvenir en tant que travailleur chinois en France pendant la Première

4 Archives départementales du Pas-de-Calais (ADPC), 10 R 1/4024/125-128, pièce du 8 mai 1919 signée Despagnat.

5 Su Lianyuan, « Wo canjiaguo diyici shijie dazhan », (« J’ai participé à la Première Guerre mondiale »), Chunqiu, 1997, n° 3 p. 25.

6 War Office (WO), WO 32/11345, F.H. May, Governor of Hong-Kong, Telegram to Secretary of State for the Colonies, 1916, 9 October. Colonial Office

7 Foreign Office (FO), FO 371/6602, Alston, Telegram n° 361, 1917, 13 August.

8 CO 873/538, J. J. Bourne to Lockhart, Telegram, 1918, 9 August.

9 G.S. Moss, Report on the Demobilization of the CLC, WO Emigration Agency, 1920, 31 October.

10 FO, 371/6602, Archer to Alston (Pekin), Telegram, 1921, 13 June.

11 Michael Summerskil, China on the Western Front: Britain’s Chinese Work Force in the First World War, London, 1982.

12 Judith Blick, « The CLC in the World War I », Papers on China, vol. IX, Cambridge, Harvard University, Center for East Asian Studies, 1955, p. 122.

13 Le journal des réfugiés du Nord, n° 153, samedi 22 avril 1916. Article : « Est-ce des Chinois que nous emploierons ? ».

14 Le journal des réfugiés du Nord, n° 469, mercredi 30 avril 1919. Lettre adressée à M. Verlot, président de la Commission interministérielle, à

15 Le journal des réfugiés du Nord, n° 489, mercredi 9 juillet 1919. Lettre de Armand Naudin, préfet du Nord, adressée à Paul Bersez, sénateur du Nord

16 www.archivesnationales.culture.gouv.fr/camt/fr/egf/donnees_efg/102_AQ/123_AQ_INV.pdf

17 ADN, 9 R, Rapport de l’année 1919 sur les discours des élus au Conseil Général. Intervention de Mr Barrois-Brame, p 99-113.

18 Vincent Salingier, « Des Chinois parmi les coloniaux », in Les travailleurs chinois en France durant la Première Guerre mondiale, Li Ma (dir.), op.

19 Tobias Rettig, « La prévention des rencontres entre Chinois et Indochinois durant la Première Guerre mondiale : une politique spatiale en France

20 Mireille Le Van Ho, Un milieu porteur de la modernisation : les travailleurs vietnamiens en France pendant la Première Guerre mondiale, Thèse

21 Xavier Boniface, « Camps militaires britanniques et travailleurs chinois dans le Pas-de-Calais pendant la Grande Guerre », in Les travailleurs

22 P. Wou, La Vérité sur la Mandchourie, Préface de Charles Rousseau, 1936. P. Wou, Les travailleurs chinois et la Grande Guerre, Paris, éd. Pédonne

23 ADN, 9 R 1052/Lettre du 7 juillet 1917. « Au sujet des travailleurs chinois employés à l’usine des Dunes ».

24 Zhang Bangyong, Wenshi Ziliao Xuanji (Souvenirs de travailleurs chinois en France durant la Première Guerre mondiale), n° 38, 1963, p. 1-22, cité

25 Liu Hou, « Shuo Zizhi » (Discussion sur la maîtrise de soi), Huagong Zazhi, n° 4, 25 mars 1917, cité dans Li Ma, op. cit..

26 Dong Feng, « Zazhi » (Miscellanées de l’Est), Huagong Zazhi, op. cit., n° 18, 25 janvier 1918, cité dans Li Ma, op. cit..

27 ADN, 9 R 1052/Lettre du 7 juillet 1917, op. cit.

28 Ibid.

29 ADN, 9 R 1052/Lettre du 2 septembre 1917. « Lettre du conseil municipal à monsieur le préfet, Saint-Pol-sur-Mer ».

30 L. Cesari et D. Varaschin, Les relations franco-chinoises au XXe siècle et leurs antécédents, Arras, Artois Presses Universitaires, 2002, p. 

31 ADN, 9 R 1052/Lettre du 6 septembre 1917. « Lettre du Commissaire Central de Police de Dunkerque à Monsieur le Préfet du Nord à Dunkerque ».

32 ADN, 9 R 1052/Lettre du 8 septembre 1917. « Rapport du Capitaine Thillard ».

33 ADN, M 208/133/Lettre du 8 septembre 1917. « Rapport du chef de 3e classe Lenglart, commandant la brigade de gendarmerie d’Haubourdin ».

34 ADN, 9 R 1052/Lettre du 8 septembre 1917. « Lettre du Commissaire de Police de Saint-Pol sur mer à Monsieur le Sous-Préfet du Nord à Dunkerque ».

35 ADN, 9 R 1052/Lettre du 8 septembre 1917. « Lettre du maire d’Armbouts-Cappel à Monsieur le Sous-Préfet du Nord à Dunkerque ».

36 ADN, 9 R 1052/Lettre du 14 septembre 1917. « Lettre du maire d’Armbouts-Cappel à Monsieur le Général Gouverneur de Dunkerque ».

37 ADN, 9 R 1052/Lettre du 19 octobre 1917. « Lettre Commissaire spécial, chef de secteur des usines des Dunes à Dunkerque, à Monsieur le Préfet du

38 ADN, 9 R 1052/Lettre du 17 septembre 1917. « Lettre Monsieur Berch à Monsieur le Préfet du Nord à Dunkerque ».

39 A. Chatelle et M. E. Le Bon, Calais pendant la Grande Guerre (1914-1918), Paris, Quillet, 1927, 280 p.

40 ADN, M 208/133/Lettre du 22 février 1919. « Rapport du chef de brigade 3e classe Gautier, commandant les brigades de gendarmerie d’Armentières ».

41 ADN, M 208/133/Lettre du 4 juillet 1919. « Rapport l’adjudant Général J. B. Wroughton, chef de Service de Liaison français à Wimereux ».

42 ADN, 9 R 1052/Lettre du 11 juillet 1917. « Rapport du Capitaine Thillard, commandant de l’arrondissement de Dunkerque ».

43 ADN, 9 R 1052/Télégramme du 4 septembre 1917. « Envoi du Capitaine Thillard à Monsieur le Préfet du Nord à Dunkerque ».

44 ADN, 9 R 1052/Rapport du 4 septembre 1917. « Rapport du Commissaire Spécial à Monsieur le Préfet du Nord à Dunkerque ».

45 ADN, 9 R 1052/Lettre du 13 septembre 1917. « Le Capitaine de Vaufreland, sous-direction de la 4e Armée britannique à Monsieur le Préfet du Nord à

46 ADN, 9 R 1052/Lettre du 7 septembre 1918. « Le maire d’Armbouts-Cappel au Colonel Marescaux, commandant la base anglaise ».

47 ADN, M 208/133/Lettre du 28 février 1919. « Le maire de Salomé à Monsieur le Préfet du Nord, à Lille ».

48 ADN, M 208/133/Lettre du 4 juillet 1919. « Rapport de l’adjudant Général J. B. Wroughton, chef de Service de Liaison français à Wimereux », op. cit

49 ADN, M 208/133/Lettre du 24 juillet 1919. « Liaison franco-britannique n°5 Area ».

50 ADN, M 208/133/Lettre du 4 juillet 1919. « Lettre du Lieutenant C. R. Maquire au commandant du 80e groupe de travailleurs chinois ».

Notes

1 Li Ma (dir.), Les travailleurs chinois en France dans la Première Guerre mondiale, Paris, CNRS éditions, 2012, Actes du colloque du 26 au 30 mai 2010, ULCO (Boulogne-sur-Mer) et In Flanders Fields Museum (Ypres), 560 p.

2 Li Yongchang, Lü Ehuagong yu shiyue yeming, Shijiazhuang, Hebei Jiaozuo chubanshe, 1988, p. 36-37 (cité par Li Ma).

3 Zhao Shanlin, Yizhan qi Jiang wo zai Fanguo ren huangong jicha de huiyi, (Mon souvenir en tant que travailleur chinois en France pendant la Première Guerre mondiale), Édition Zhongguo remin Zhengzhi xiesbanghuiyi Tianjinshi weiiy nanhui wenghiziliao weiyuanhui bian, Tianjin, 1996, vol. 69, p. 149, cité dans Li Ma, op. cit.

4 Archives départementales du Pas-de-Calais (ADPC), 10 R 1/4024/125-128, pièce du 8 mai 1919 signée Despagnat.

5 Su Lianyuan, « Wo canjiaguo diyici shijie dazhan », (« J’ai participé à la Première Guerre mondiale »), Chunqiu, 1997, n° 3 p. 25.

6 War Office (WO), WO 32/11345, F.H. May, Governor of Hong-Kong, Telegram to Secretary of State for the Colonies, 1916, 9 October. Colonial Office Series (CO), CO 873/488, Report submitted to the Commissioner, 1916, 31 October. WO 32/11345, War Office to John Jordan, Draft Telegram, 1916, 14 November.

7 Foreign Office (FO), FO 371/6602, Alston, Telegram n° 361, 1917, 13 August.

8 CO 873/538, J. J. Bourne to Lockhart, Telegram, 1918, 9 August.

9 G.S. Moss, Report on the Demobilization of the CLC, WO Emigration Agency, 1920, 31 October.

10 FO, 371/6602, Archer to Alston (Pekin), Telegram, 1921, 13 June.

11 Michael Summerskil, China on the Western Front: Britain’s Chinese Work Force in the First World War, London, 1982.

12 Judith Blick, « The CLC in the World War I », Papers on China, vol. IX, Cambridge, Harvard University, Center for East Asian Studies, 1955, p. 122.

13 Le journal des réfugiés du Nord, n° 153, samedi 22 avril 1916. Article : « Est-ce des Chinois que nous emploierons ? ».

14 Le journal des réfugiés du Nord, n° 469, mercredi 30 avril 1919. Lettre adressée à M. Verlot, président de la Commission interministérielle, à Paris

15 Le journal des réfugiés du Nord, n° 489, mercredi 9 juillet 1919. Lettre de Armand Naudin, préfet du Nord, adressée à Paul Bersez, sénateur du Nord.

16 www.archivesnationales.culture.gouv.fr/camt/fr/egf/donnees_efg/102_AQ/123_AQ_INV.pdf

17 ADN, 9 R, Rapport de l’année 1919 sur les discours des élus au Conseil Général. Intervention de Mr Barrois-Brame, p 99-113.

18 Vincent Salingier, « Des Chinois parmi les coloniaux », in Les travailleurs chinois en France durant la Première Guerre mondiale, Li Ma (dir.), op. cit., p. 369-386.

19 Tobias Rettig, « La prévention des rencontres entre Chinois et Indochinois durant la Première Guerre mondiale : une politique spatiale en France métropolitaine », in Les travailleurs chinois en France durant la Première Guerre mondiale, Li Ma (dir.), op. cit., p. 387-408.

20 Mireille Le Van Ho, Un milieu porteur de la modernisation : les travailleurs vietnamiens en France pendant la Première Guerre mondiale, Thèse, École Nationale des Chartes, 1986, p. 199-200.

21 Xavier Boniface, « Camps militaires britanniques et travailleurs chinois dans le Pas-de-Calais pendant la Grande Guerre », in Les travailleurs chinois en France durant la Première Guerre mondiale, Li Ma (dir.), op. cit., p. 157-176.

22 P. Wou, La Vérité sur la Mandchourie, Préface de Charles Rousseau, 1936. P. Wou, Les travailleurs chinois et la Grande Guerre, Paris, éd. Pédonne, 1939, p. 23-24.

23 ADN, 9 R 1052/Lettre du 7 juillet 1917. « Au sujet des travailleurs chinois employés à l’usine des Dunes ».

24 Zhang Bangyong, Wenshi Ziliao Xuanji (Souvenirs de travailleurs chinois en France durant la Première Guerre mondiale), n° 38, 1963, p. 1-22, cité dans Li Ma, op. cit.

25 Liu Hou, « Shuo Zizhi » (Discussion sur la maîtrise de soi), Huagong Zazhi, n° 4, 25 mars 1917, cité dans Li Ma, op. cit..

26 Dong Feng, « Zazhi » (Miscellanées de l’Est), Huagong Zazhi, op. cit., n° 18, 25 janvier 1918, cité dans Li Ma, op. cit..

27 ADN, 9 R 1052/Lettre du 7 juillet 1917, op. cit.

28 Ibid.

29 ADN, 9 R 1052/Lettre du 2 septembre 1917. « Lettre du conseil municipal à monsieur le préfet, Saint-Pol-sur-Mer ».

30 L. Cesari et D. Varaschin, Les relations franco-chinoises au XXe siècle et leurs antécédents, Arras, Artois Presses Universitaires, 2002, p. 129-156.

31 ADN, 9 R 1052/Lettre du 6 septembre 1917. « Lettre du Commissaire Central de Police de Dunkerque à Monsieur le Préfet du Nord à Dunkerque ».

32 ADN, 9 R 1052/Lettre du 8 septembre 1917. « Rapport du Capitaine Thillard ».

33 ADN, M 208/133/Lettre du 8 septembre 1917. « Rapport du chef de 3e classe Lenglart, commandant la brigade de gendarmerie d’Haubourdin ».

34 ADN, 9 R 1052/Lettre du 8 septembre 1917. « Lettre du Commissaire de Police de Saint-Pol sur mer à Monsieur le Sous-Préfet du Nord à Dunkerque ».

35 ADN, 9 R 1052/Lettre du 8 septembre 1917. « Lettre du maire d’Armbouts-Cappel à Monsieur le Sous-Préfet du Nord à Dunkerque ».

36 ADN, 9 R 1052/Lettre du 14 septembre 1917. « Lettre du maire d’Armbouts-Cappel à Monsieur le Général Gouverneur de Dunkerque ».

37 ADN, 9 R 1052/Lettre du 19 octobre 1917. « Lettre Commissaire spécial, chef de secteur des usines des Dunes à Dunkerque, à Monsieur le Préfet du Nord à Dunkerque ».

38 ADN, 9 R 1052/Lettre du 17 septembre 1917. « Lettre Monsieur Berch à Monsieur le Préfet du Nord à Dunkerque ».

39 A. Chatelle et M. E. Le Bon, Calais pendant la Grande Guerre (1914-1918), Paris, Quillet, 1927, 280 p.

40 ADN, M 208/133/Lettre du 22 février 1919. « Rapport du chef de brigade 3e classe Gautier, commandant les brigades de gendarmerie d’Armentières ».

41 ADN, M 208/133/Lettre du 4 juillet 1919. « Rapport l’adjudant Général J. B. Wroughton, chef de Service de Liaison français à Wimereux ».

42 ADN, 9 R 1052/Lettre du 11 juillet 1917. « Rapport du Capitaine Thillard, commandant de l’arrondissement de Dunkerque ».

43 ADN, 9 R 1052/Télégramme du 4 septembre 1917. « Envoi du Capitaine Thillard à Monsieur le Préfet du Nord à Dunkerque ».

44 ADN, 9 R 1052/Rapport du 4 septembre 1917. « Rapport du Commissaire Spécial à Monsieur le Préfet du Nord à Dunkerque ».

45 ADN, 9 R 1052/Lettre du 13 septembre 1917. « Le Capitaine de Vaufreland, sous-direction de la 4e Armée britannique à Monsieur le Préfet du Nord à Dunkerque ».

46 ADN, 9 R 1052/Lettre du 7 septembre 1918. « Le maire d’Armbouts-Cappel au Colonel Marescaux, commandant la base anglaise ».

47 ADN, M 208/133/Lettre du 28 février 1919. « Le maire de Salomé à Monsieur le Préfet du Nord, à Lille ».

48 ADN, M 208/133/Lettre du 4 juillet 1919. « Rapport de l’adjudant Général J. B. Wroughton, chef de Service de Liaison français à Wimereux », op. cit.

49 ADN, M 208/133/Lettre du 24 juillet 1919. « Liaison franco-britannique n°5 Area ».

50 ADN, M 208/133/Lettre du 4 juillet 1919. « Lettre du Lieutenant C. R. Maquire au commandant du 80e groupe de travailleurs chinois ».

Citer cet article

Référence électronique

Chantal Dhennin-Lalart, « Les archives de la répression des Chinois travaillant dans le Nord durant la Grande Guerre », Les Carnets du LARHRA [En ligne], 2016 | 1 | 2018, mis en ligne le 20 juillet 2018, consulté le 29 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/larhra/index.php?id=97

Auteur

Chantal Dhennin-Lalart

Laboratoire HLLI, ULCO, Université de Lille, France
chantal@dhennin.com

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