Notes
Il n’est pas question ici de faire une histoire de l’Assemblée nationale. Rappelons simplement que les États généraux se sont ouverts le 5 mai 1789 par un conflit d’ordres, le tiers état réclamant en effet le vote par tête et non un vote par ordre, ce qui leur permettrait d’avoir un poids bien plus conséquent dans les délibérations à venir. Le Tiers prend le nom d’Assemblée nationale le 17 juin 1789, « ce qui impliquait, l’affirmation de l’unité et de la souveraineté nationales, véritable révolution juridique » mais aussi politique, lorsque le roi enjoint les deux autres ordres à rejoindre le Tiers. L’Assemblée nationale devient « constituante » consécutivement au serment du jeu de paume, et s’arroge la charge de donner une constitution à la nation. Cf. Soboul, 2014, p. 41-42. Cette révolution parlementaire n’est pas sans critique et défiance notamment de la part du parlement de Paris qui conteste la légitimité de la Constituante selon le motif « qu’ils ne peuvent reconnaître comme effet du vœu général de la Nation, le résultat des délibérations d’une Assemblée qui devait être celle des trois Ordres, composant les États-Généraux, et qui se trouve dénaturée et constituée, par son autorité seule, Assemblée nationale » (Felix, 1990, p. 65).
Cet ouvrage a été publié pour la première fois en janvier 1789.
Nous entendons la notion d’opinion publique telle qu’elle est explicitée par Habermas dans l’espace public, c’est-à-dire que l’opinion publique correspond à l’opinion des personnes éclairées, avisées et lettrées, ce qui exclut la majeure partie du peuple.
Dès la guerre de Cent ans, elle correspond à un lien particulier, un sentiment unissant le monarque et ses sujets qui ne forment plus qu’un. Au xviie siècle, sous l’influence de la doctrine absolutiste, la nation est représentée par le roi seul. À la fin de l’Ancien Régime, elle cristallise les dissensions quant à sa représentation et aux prérogatives exercées sur elle, notamment par les parlements. La séance de la flagellation de 1766 met en exergue ce conflit. Cf. Delaigue, Babot & Boucaud-Maître, 2007, v° « Nation ».
Cette vision n’est pas nouvelle, Montesquieu mettait déjà en exergue l’incapacité du peuple à conduire les affaires de la nation : « Il y avait un grand vice dans la plupart des anciennes républiques : c’est que le peuple avait droit d’y prendre des résolutions actives, et qui demandent quelque exécution, chose dont il est entièrement incapable. Il ne doit entrer dans le gouvernement que pour choisir ses représentants, ce qui est très à sa portée » (Montesquieu, 1979, 1, p. 297).
Rousseau est partisan d’une démocratie directe par laquelle le peuple souverain devient titulaire du pouvoir législatif, elle ne peut donc pas se « donner des chaînes » en déléguant ce pouvoir (Rousseau, 2001, p. 66, ainsi que p. 232-233). Au contraire, Sieyès rejette l’existence d’un contrat social en ce qui concerne le lien unissant la nation (pour qui Rousseau attribue une définition traditionnelle) et ses représentants : « la nation ne contracte pas avec ses mandataires, elle commet à l’exercice de ses pouvoirs ». Il ajoute également que « C’est une idée fausse et dangereuse que de supposer un contrat entre un peuple et son gouvernement » (Sieyès, 2009, p. 91).
Actuellement, la majorité des substantifs qui s’adjoignent à la notion de mandat concernent encore le droit privé. Cf. Cornu, 2015, v° » Mandat ». Sous l’Ancien Régime, la notion de mandat concerne le droit des obligations. Le jurisconsulte Claude-Joseph de Ferrière le définissait ainsi : « contrat obligatoire de part et d’autre, qui se forme par le seul consentement des parties par lequel on charge d’une affaire, pour la gérer gratuitement, une personne qui consent volontiers d’en prendre soin. » (Ferrière, 1769, 2, v° » Mandat ») L’Encyclopédie et le dictionnaire de l’Académie Française rejoignent la définition précédemment citée. Cependant, la notion de mandat politique émerge déjà de manière sous-jacente comme en témoigne la définition donnée par l’auteur lyonnais Prost de Royer dans son dictionnaire de l’administration publique (Prost de Royer, 1782, 2, p. 809) : « L’administration publique est une procuration, une commission, un mandat par où l’on est chargé de maintenir, d’augmenter les droits, la sûreté, la tranquillité, le bien être des individus composant un corps, un hôpital, une ville, une province, un état entier. Ce n’est plus qu’une famille dont l’administrateur devient le père. »
Les archives du comité de mendicité ont été quasiment totalement détruites, cf. Thuillier, 2001, p. 277. On se focalisera donc principalement sur les sources imprimées (Tuetey & Bloch, 1911).
Par exemple, le plus ancien comité, celui de constitution, est fondé par Jean-Joseph Mounier et est créé le 8 juillet 1789.
Ce sont les chiffres avancés par Michel-Augustin Thouret (inspecteur général des hôpitaux civils), Tuetey & Bloch, 1911, p. 3.
Les députés suivants font partie du comité : Barère (tiers état), Coulmiers (clergé), Cretot (clergé), David (clergé), Guillotin (tiers état), Massieu (clergé), Périsse de Luc (tiers état), Prieur de la Marne (tiers état), la Rochefoucauld-Liancourt (noblesse), Siegnelay Colbert de Castle-Hill (clergé), Villoulieux de Faye (clergé), Virieux (noblesse). Nous avons donc 5 députés issus du tiers état, 6 du clergé et 2 de la noblesse. Cf. ibid., p. 10 à 24.
Les experts recrutés sont au nombre de quatre : Michel-Augustin Thouret est recruté pour son expérience en qualité d’inspecteur général des hospices civils. Boncerf a quant à lui écrit un ouvrage intitulé De la nécessité et des moyens d’occuper avantageusement tous les gros ouvriers. Du Tremblay a également écrit un ouvrage relatif à l’extinction de la mendicité. Quant à Leclerc de Montlinot, il est l’auteur le plus prolifique en la matière. Il connaît le président du comité de longue date et aurait eu une influence considérable sur les travaux du comité. Cf. Thuillier, 2001, p. 279.
La Rochefoucauld-Liancourt serait l’âme de ce comité et de loin le plus actif de ses membres. Cf. Ferdinand-Dreyfus, 1903, p. 157. En effet, Liancourt signe la plupart des lettres en tant que président, il semble occuper une place prépondérante dans les travaux du comité. Cf. Tuetey & Bloch, 1911, p. xxv. Cependant, l’influence du président du comité reste difficile à cerner dans la mesure où certains de ses collaborateurs se sont plaints qu’il se mette parfois trop en avant (Thuillier, 2001, p. 279).
La Rochefoucauld-Liancourt fut l’ami de Louis XVI, Turgot et Malesherbes. Cf. Ferdinand-Dreyfus, 1903, p. 13. Il a été initié et influencé sur les questions économiques et hospitalières par les physiocrates qui fréquentent le salon de sa mère : notamment par Dupont de Nemours et l’abbé Baudeau. Il s’est par conséquent intéressé à l’agronomie (ibid., p. 14). Il a été l’un des premiers fondateurs de la société royale d’agriculture (ibid., p. 42). Il entretenait également des liens d’amitié avec l’agronome anglais Arthur Young (ibid., p. 30). C’est au contact des physiocrates et agronomes qu’il comprend très tôt la nécessité de réduire le nombre de grands domaines fonciers pour les morceler, à une époque où le domaine foncier constitue la principale protection face aux risques sociaux (ibid., p. 33). En parfait libéral, il était favorable à ce que la noblesse se livre aux travaux mécaniques, ainsi qu’à l’abolition des privilèges.
Il est effectivement très au fait des problématiques liées à l’assistance et s’y intéresse tout particulièrement. Il accompagne notamment Malesherbes lors d’une visite à l’hospice parisien du Bicêtre (ibid., p. 45). Il soutient les réformes de Necker sur les prisons et hôpitaux qui visaient à centraliser leur administration sous le joug du pouvoir royal (ibid., p. 49). Concernant le travail des pauvres, il s’intéresse lors d’un passage à Lyon à la Charité de Lyon, et en conclut qu’« on y fait travailler tous les pauvres à différents ouvrages, tout le monde est occupé et l’est utilement » (il est alors âgé de vingt-trois ans), ibid., p. 12. Il avait en outre déjà expérimenté dans son domaine une tentative d’émulation par le travail pour les indigents (Ibid., p. 37-38). « De la sorte, [dit Prosper Faugère, auteur de Vie et bienfaits de la Rochefoucauld-Liancourt], il trouva le moyen de mettre dans l’aisance des familles indigentes et de se procurer une augmentation de revenu qui devint dans ses mains l’instrument d’un nouveau bienfait ».
Procès-verbal attestant la création d’un bureau chargé de la mendicité et de la répression en date du 3 septembre 1790 (Tuetey & Bloch, 1911, p. xxvii-xxviii). Elle correspond à une évolution des différents bureaux. Le premier concernant « les pauvres valides et travaux de charité » comprenait Cretot, Boncerf et Bonnefoy.
Cette distinction entre pauvres valides et invalides pour les problématiques d’assistance remonte à l’Antiquité. Au ive siècle à Constantinople, on opère une distinction entre indigents valides et invalides. Ils « furent considérés comme oisifs et rendus à leurs maîtres, s’ils étaient esclaves, ou livrés comme colons perpétuels à leurs dénonciateurs, s’ils étaient libres ». Cf. Mollat, 1984, p. 26.
Le 16 août 1788, l’État est endetté à un tel point que les paiements du Trésor sont suspendus, cf. Aftalion, 1987, p. 44.
Par ailleurs, le clergé occupe sous l’Ancien Régime une place prépondérante par la multitude d’hôpitaux, de fondations charitables et autres institutions d’assistance. La liquidation des biens du clergé les prive de la majeure partie de leurs revenus, ce à quoi s’ajoute la suppression des dîmes le 11 août 1789. C’est dans cette perspective que le comité de mendicité revendique la vente des biens et fondations en faveur des pauvres. Cf. Tuetey & Bloch, 1911, p. 533.
Il convient de rappeler que l’hôpital, y compris au début de la Révolution française, a des attributions profondément diversifiées selon le lieu où il est établi et ses origines. Des pauvres valides peuvent se trouver dans des hôpitaux généraux comme par exemple à la Charité de Lyon, qui enferme notamment des ouvriers sans travail jusqu’en 1784.
C’est ainsi, suite à la non application répétée par certains hôpitaux des déclarations et ordonnances concernant les vagabonds, qu’un arrêt du Conseil du roi en date de 1768 incite à créer des dépôts de mendicité dans les généralités où les hôpitaux n’enferment pas de mendiants et de vagabonds, conformément à la législation royale.
La suppression des octrois affaiblit considérablement les ressources financières des établissements d’assistance. Cf. Ferdinand-Dreyfus, p. 165.
Cf. En attestent les procès-verbaux indiquant des demandes de versement d’allocations quasi quotidiennes des hôpitaux pour subvenir à leurs besoins les plus urgents.
« Nous connaissons le véritable objet d’une Assemblée nationale, elle n’est point faite pour s’occuper des affaires particulières des citoyens, elle ne les considère qu’en masse et sous le point de vue de l’intérêt général. » (Sieyès, 2009, p. 172-173). Les propos de Sieyès rejoignent l’article 3 de la DDHC en vertu duquel « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. » in http://www.textes.justice.gouv.fr/textes-fondamentaux-10086/droits-de-lhomme-et-libertes-fondamentales-10087/declaration-des-droits-de-lhomme-et-du-citoyen-de-1789-10116.html
Gutton, 1974, p. 164 : « L’État doit animer, contrôler, voire diriger l’assistance. Cette idée se retrouve à l’état de pétition de principe dans toute l’Europe, à une exception près, importante il est vrai. L’Angleterre connaît bien des acts qui légifèrent pour l’ensemble des pays, mais leur application dépend entièrement des idées locales. »
De manière non exhaustive, le comité veut notamment augmenter le nombre de propriétaires pour endiguer la pauvreté ou encore l’établissement » d’une mission de détention par département qui ne ressemblera pas aux maisons de mendicité » (cf. Imbert, 1990, p. 149-150).
L’Encyclopédie semble consacrer un véritable droit au travail garanti par l’État : « Il est pourtant vrai que tout homme qui n’a rien au monde, et à qui on défende de mendier, à droit de demander à vivre en travaillant ; toutes les fois donc qu’une loi s’oppose à la mendicité, il faut qu’elle soit précédée d’un appareil de travaux public, qui occupe l’homme et le nourrisse. Il faut qu’en l’arrachant à l’oisiveté, on le dérobe à la misère. Sans cela, on le réduirait aux plus cruelles extrémités, et l’État serait responsable des crimes que la nécessité conseillerait, et que le désespoir ferait connaître. [...] Il y a trois états dans la vie qui sont dispensés du travail, l’enfance, la maladie, et l’extrême vieillesse ; et le premier devoir du gouvernement est de leur assurer à tous les trois des asiles contre l’indigence : je ne dis pas seulement des asiles publics, tristes et pitoyables ressources des vieillards, des enfants et des maladies abandonnées, mais des asiles domestiques, c’est-à-dire, une honnête aisance dans l’intérieur d’une famille laborieuse, et en état, par son travail, de subvenir à leurs besoins. Mais ces trois états exceptés, l’homme n’a droit de vivre que du fruit de ses peines, et la société ne lui doit que les moyens d’exister à ce prix ; mais ces moyens, elle les lui doit : ce n’est pas assez de dire au misérable qui tend la main, “va travailler” ; il faut lui dire, “viens travailler” » (De Jaucourt, v° » Mendiant [économie politique] », t. 21, p. 482-483).
« Ce n’est donc pas par des moyens privés, individuels qu’un grand État peut donner du travail à ceux de ses membres qui en manquent ». Cf. Cinquième rapport du comité de mendicité, Tuetey & Bloch, 1911, p. 430.
Par exemple, le concours d’administrations à Lyon [entre l’une municipale et l’autre relevant de l’intendance] en ce qui concerne l’épineuse question de la détention des mendiants et des vagabonds : l’intendant a dû appliquer comme on l’a vu précédemment l’ordonnance royale de 1764 car l’institution municipale ne l’appliquait pas et se bornait à ne prendre en charge que les mendiants locaux.
Cf. l’arrêt du Conseil d’État en date du 21 octobre 1767 concernant les vagabonds et gens sans aveu, in M. de Boug, Recueil des états, lettres patentes, arrêts du Conseil d’État et du Conseil Souverain d’Alsace, p. 768.
La fin de la Constituante est en effet une période de défiance à l’égard des « monarchiens » pour qui l’Angleterre est devenue une ennemie et est contraire à leurs valeurs. Ils sont surnommés les « anglomanes ». Cf. Furet & Richet, 2010, p. 106.
La Rochefoucauld-Liancourt semble avoir une vision positive de l’Angleterre. Ses enfants et lui-même y ont séjourné durant l’Ancien Régime. Cf. Tuetey & Bloch, 1911, p. 37-38.
Smith énumère l’évolution de la législation en matière d’assistance, ainsi que les difficultés qu’elle rencontre au gré de son évolution : « On dit que ce statut donna lieu à quelques fraudes, les officiers de paroisse, ayant quelquefois engagé par connivence leurs propres pauvres à aller clandestinement dans une autre paroisse, et à s’y tenir caché pendant quarante jours pour y gagner le domicile à la décharge de la paroisse à laquelle ils appartenaient réellement. En conséquence, il fut établi par le statut de la première année de Jacques II, que les quarante jours de résidence non contestés exigés pour gagner le domicile ne commenceraient à courir que du jour où le nouveau résident aurait donné à l’un des marguilliers ou inspecteurs de la paroisse où il venait habiter, une déclaration par écrit du lieu de sa demeure et du nombre d’individus dont sa famille était composée.
Mais les officiers de paroisse, à ce qu’il paraît, furent quelquefois aussi peu scrupuleux à l’égard de leur propre paroisse qu’à l’égard des autres paroisses, et ils prêtèrent la main à ces intrusions en recevant la déclaration, sans faire ensuite aucune des démarches qu’il convenait de faire. En conséquence, comme on supposa que chaque habitant avait intérêt d’empêcher, autant qu’il était en lui, l’admission de ces intrus qui augmentaient la charge de la paroisse, le statut de la troisième année de Guillaume III ajouta aux précédentes dispositions, que le terme de quarante jours de résidence ne courrait que de la date de la publication faite le dimanche à l’église, immédiatement après le service divin, de la déclaration donnée par écrit » (Smith, 1991, p. 213-214).
Tuetey & Bloch, 1911, p. 40 : « Il faut lire dans Smith, sur les richesses des nations, le tableau de ces vexations intestines qui déshonorent l’administration anglaise, et surtout les incroyables efforts de la législation dans ce royaume pour lever des obstacles que le principe a toujours rendus invincibles et qu’il multiplie, pour ainsi dire, chaque jour dans tous les points de l’Angleterre. » Ils ne font cependant pas allusion au Gilbert’s Act de 1782, qui atténue la rigueur des workhouses, et oblige les administrateurs locaux à trouver du travail pour les pauvres valides. Cf. Clément, 2002, p. 80.
« […] et l’Angleterre, où tant de soins sont pris pour les pauvres, où les calculs et les observations qui en résultent sont recueillis avec tant de soin dans toutes les parties de l’administration, a dû fixer notre attention particulière. Si le plus grand degré d’aisance que donne au peuple anglais la grande activité de son commerce et de son industrie semblait devoir nous montrer chez cette nation moins de pauvres, moins d’individus à la charge de l’État, l’extrême surabondance, l’excessive facilité des secours qui y sont assurés à l’indigence, et l’encouragement qui en résulte pour l’imprévoyance et pour la paresse, nous semblaient aussi devoir faire disparaître toute différence[...]. Cet exemple est une grande et importante leçon pour nous ; car, indépendamment des vices qu’elle nous présente, et d’une dépense monstrueuse, et d’un encouragement certain à la fainéantise, elle nous découvre la plaie politique de l’Angleterre, la plus dévorante, (qu’il est également dangereux) pour sa tranquillité et son bonheur de détruire et de laisser subsister. Nous trouvons même en France l’exemple de la cherté et du danger de cette taxe pour les pauvres » (Tuetey & Bloch, 1911, p. 465).
Ibid., p. 545 : « D’abord, point de taxe particulière pour l’imposition nécessaire à cette œuvre de devoir : les revenus qui y sont affectés se confondent avec les autres revenus ou impositions de la Nation. L’assistance de la classe infortunée est une charge de l’État, comme le payement des fonctionnaires publics, comme les frais du culte, comme toute autre charge nationale. Le citoyen, en acquittant ses impositions, ne distingue pas plus la partie qui va soulager la pauvreté que celle qui doit entretenir les routes ou payer l’armée ; et le malheureux, mis ainsi sous la providence unique de l’État, échappe aux reproches, aux regrets de celui qui est expressément imposé pour le secourir, reçoit une assistance plus noble, plus généreuse, plus digne du respect qui est dû au malheur et de la grandeur de la Nation qui le secourt. »
Les membres du comité aboutissent rapidement à la conclusion selon laquelle la nation offre des perspectives nouvelles en matière d’assistance : « […] le Comté n’a trouvé de modèle ni dans ce qui a été fait dans le royaume ni chez aucune des autres nations » (ibid., p. 53).
Dupont de Nemours considère l’assistance par le travail comme « un progrès dans la morale et dans la civilisation ». Cf. Imbert, 1990, p. 86.
Cf. article « Hôpital » de l’Encyclopédie. En outre, l’historien du droit Jean Imbert souligne la critique des Lumières sur les hôpitaux, d’après laquelle ces derniers favoriseraient « l’esprit de paresse » (Imbert, 1990, p. 90-91).
« Pour les physiocrates, le membre de la nation était celui qui participait par sa production à l’enrichissement de la société ». Cf. Furet & Ozouf, 1988, v° » Physiocrate ».
Sieyès, tout comme Adam Smith, pense que c’est le travail qui forme la richesse.
On peut notamment penser au fait que « le comité de mendicité de l’Assemblée Nationale en 1790, demandera le maintien des dépôts en les réorganisant de manière à ce que chaque détenu qui travaille soit traité avec humanité et sorte nanti d’un petit pécule ». Cf. Imbert, 1990, p. 87.
« En fait, le Comité renonce à prendre en charge le soin d’assurer un emploi aux pauvres valides. Il considère que ce n’est pas la mission de l’État de lutter contre le chômage. Cette tâche lui paraît alors trop délicate : se reposer sur les intentions du chômeur, sur ses possibilités, sur sa situation... » Cf. Imbert, 1990, p. 149.
Tuetey & Bloch, 1911, p. 331 : « Dans les moyens que doit la société au pauvre valide de subsister par le travail, les difficultés sont plus fortes encore ; car, si le travail lui est offert à chaque fois qu’il se présente et dans le lieu le plus prochain et de la nature la plus facile, la société le dispense par-là de la nécessité de chercher lui-même à s’en procurer, et lui interdit, pour ainsi dire, toute industrie ; elle tombe, en lui donnant ainsi du travail, dans l’inconvénient qu’elle voulait éviter en se refusant aux secours gratuits, elle favorise la paresse, l’incurie, tandis qu’elle doit animer l’activité et la prévoyance. Si elle ne donne que des travaux inutiles, elle fait encore le mal d’autoriser la fainéantise, car l’homme travaille mal à un ouvrage dont l’inutilité lui est démontrée, et le mal encore de dépenser sans avantage public les deniers communs. Sans doute, il se trouvera des moments où la nécessité contraindra de sortir de la rigueur exacte de ces principes ; alors ces secours seront encore un bien et un devoir ; ils vaudront toujours mieux que des secours sans travail. »
« C’est par une politique générale que le gouvernement luttera contre la mendicité : en simplifiant la nature des impôts, en encourageant les institutions économiques, en améliorant les voies de communication... il développera la prospérité générale qui profitera aux malheureux […]. Des ateliers de charité s’ouvriront pendant la mauvaise saison, la plus dure pour les indigents. » Cf. Imbert, 1990, p. 149.
Dans la séance du 9 juin 1790, le comité prône la suppression des fêtes, du moins souhaite limiter leur nombre le plus possible. Cf. Tuetey & Bloch, 1911, p. 65.
Contrairement à la charité qui par essence est désintéressée, la bienfaisance ne correspond pas seulement à une laïcisation de cette valeur morale, elle peut être définie comme étant « une action publique ou privée chargée d’aider autrui, de rendre service et correspond au résultat de cette action ». Cf. G. CORNU, 2014, Vocabulaire juridique, Paris, PUF, article « Bienfaisance ». Contrairement à la charité chrétienne, la bienfaisance privée n’est pas forcément dénuée de réciprocité. En effet, il est difficile de donner une définition unitaire de la bienfaisance des Lumières. Cependant, en l’espèce, il convient de rapprocher l’utilisation du mot bienfaisance par les membres du comité à celui que lui attribuait Rousseau dans l’Émile, ouvrage dans lequel il critique « la pitié stérile et cruelle qui se contente de plaindre les maux qu’elle ne peut guérir », et oppose à cela la « bienfaisance active », qui vise à apporter à autrui la paix et le bonheur. La bienfaisance a donc vocation à apporter des secours, mais ayant un aspect « curatif », c’est-à-dire cherchant à solutionner les causes en amont des risques sociaux. Cf. Delon, 1997, v° « Bienfaisance ». C’est ainsi qu’il faut comprendre l’utilisation du mot bienfaisance dans le cas présent : la vertu de la bienfaisance, animée par la valeur de l’humanité et tendant vers le bonheur commun, suppose une participation active de l’assisté tendant vers son propre bonheur, mais aussi vers celui de tous. La bienfaisance se transcrit par la libéralisation de l’économie en tant que secours.
C’est ainsi qu’il faut comprendre l’acceptation des ateliers de charité par les membres du comité : l’État pourvoit au travail des nécessiteux de la campagne par ces ateliers, car le risque social qui engendre leur demande d’assistance résulte de données naturelles, indépendamment de tout cas de force majeure d’origine humaine : mauvaises saisons et récoltes qui poussent le paysan à tomber dans l’indigence.
« Ils partageaient des idées économiques communes venues des Lumières, des physiocrates ou d’Adam Smith » même s’« ils n’allaient pas tous s’en inspirer de la même façon » (Aftalion, 1987, p. 19).
Le comité critique les maux qu’engendre la charité pour le cas des valides : « Si une charité indiscrète accorde avec insouciance un salaire sans travail, elle donne une prime à l’oisiveté, anéantit l’émulation et appauvrit l’État. » (Tuetey & Bloch, 1911, p. 328)
Les constituants pensent dépasser la charité telle qu’elle existait sous l’Ancien Régime par la bienfaisance, qui comme nous l’avons vu, suppose une assistance « active » (Tuetey & Bloch, 1911, p. 330) : « La charité pouvait sortir des bornes (l’oisiveté et la fainéantise) de cette sévère précision, elle pouvait se laisser aller aux douces impressions de la sensibilité, de la bienfaisance, et ne considérer, dans l’assistance qu’elle donnait à ce qui était, ou à ce qui lui semblait le malheur, que le bonheur de faire du bien. Tout ce qui n’est pas nécessaire avec sévérité est interdit à une nation qui, dans la distribution des secours, ne doit opérer qu’un acte de justice, et qui ne doit jamais perdre de vue les suites funestes d’une trop grande facilité. »
Même si l’on voit un protectionnisme à dose homéopathique : « Cependant l’esprit du comité n’est pas d’éradiquer totalement la pauvreté car il considère ce mal social comme étant intrinsèque à toute société. Le but étant de la diminuer le plus possible. » Ibid., p. 145.
Le terme charité en tant que tel n’est quasiment plus employé par les membres du comité. Ils l’utilisent surtout pour désigner les Charités (établissements d’assistance) ou encore les ateliers de charité notamment.
Imbert, 1993, p. 92-93.
Cf. l’article « Mendicité » de l’Encyclopédie, qui semble mettre en avant l’obligation d’assistance de l’État en la matière.
Le droit au travail semble être entériné sur le plan des idées politiques car il est proclamé en tant que tel. Cependant, sur le plan pratique, l’ambiguïté persiste dans le sens où ce droit subjectif serait garanti par des solutions libérales, en l’occurrence par la liberté du travail. L’État, dans cette optique, garantirait un droit au travail par la facilitation de l’accès au travail, sans pour autant garantir un droit au travail dont il assurerait lui- même directement l’activité. Cf. le développement du sociologue Robert Castel (Castel, 2010, p. 312-323).
Ibid., p. 306.
http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/la-constitution/les-constitutions-de-la-france/constitution-du-24-juin-1793.5084.html
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