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Condition de recevabilité d’une action individuelle en cessation d’atteintes aux parties communes

Simon Journet

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1L’article 14 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis dispose en son alinéa 1 : « la collectivité des copropriétaires est constituée en un syndicat qui a la personnalité civile ». À travers cette définition du syndicat, le législateur dotait la copropriété d’une personne unique dans l’objectif de simplifier la gestion des biens entre les copropriétaires et à l’égard des tiers, dans un mouvement de personnification caractéristique des formes modernes de propriétés collectives.

2Cette reconnaissance de la personnalité morale du syndicat a engendré des conséquences naturelles en matière d’intérêt à agir, créant une dualité entre le syndicat et les copropriétaires et les atteintes portées aux parties communes et privatives (art. 15 de la loi du 10 juillet 1965). Au-delà du respect strict des textes, la jurisprudence a opportunément développé une hybridation des pouvoirs d’action des copropriétaires et du syndicat pour lutter contre les atteintes portées aux parties communes.

3À l’origine du présent litige, on retrouve, comme souvent, une banale querelle de voisinage. Des voisins ont, dans la même copropriété, accès à un balcon qui dessert leurs deux appartements. Ce balcon est, selon le règlement de la copropriété, une partie commune réservée à l’usage des copropriétaires devant les appartements desquels il s’étend. Cette copropriété comprend également une cour, partie commune dont la jouissance appartient à tous les copropriétaires. Un couple de copropriétaires reprochait à un autre couple d’avoir installé un portillon sur le balcon commun à leurs appartements, de stationner leur véhicule dans la cour de la copropriété et de délabrer par du sel de déneigement le sol de la cour. Souhaitant mettre un terme à ces intrusions minimes mais répétées sur les appendices de leurs lots privatifs, ce couple a assigné ses voisins devant le tribunal de grande instance, qui a déclaré leurs demandes irrecevables.

4Appel étant interjeté, le couple argue du fait que le portillon, objet du litige, a été installé illicitement par les voisins au regard des règles de la copropriété, en l’absence de toute autorisation et que ces derniers stationnent abusivement dans la cour commune, au mépris du seul droit de passage dont ils jouissent pour rejoindre leur garage.

5La cour d’appel déclare l’action irrecevable au visa des articles 14 et 15 de la loi du 10 juillet 1965. Le raisonnement opéré se décompose en deux temps : après avoir rappelé que chaque copropriétaire est recevable à faire cesser une atteinte aux parties communes, la cour d’appel de Lyon conditionne la recevabilité de l’action à la mise en cause du syndicat de copropriété dans la procédure.

6Cet arrêt est ainsi l’occasion pour la cour d’appel de se prononcer sur la séparation complexe des actions ayant trait à la copropriété, entre celles qui relèvent de la compétence du syndicat et celles qui peuvent être intentées par un ou les copropriétaires. Les difficultés liées à la qualification des situations de copropriété floutent la démarcation et la jurisprudence a, ces dernières années, admis la possibilité pour tout copropriétaire de veiller au maintien de l’intégrité des parties communes en agissant immédiatement et individuellement. La Cour de cassation admet en effet par une jurisprudence stable, la recevabilité des actions individuelles exercées par des copropriétaires à l’encontre d’un autre copropriétaire dans le but de faire cesser une atteinte aux parties communes, sans avoir besoin de démontrer qu’ils subissent un préjudice personnel. (v. Cass. civ. 3e, 26 novembre 2003, n° 02-14184, Bull. civ. III, 2003, n° 210, p. 187 ; Cass. civ. 3e, 9 juin 2004, n° 02-21048 ; Cass. civ. 3e, 29 mars 2011, n° 10-16487). Dans l’arrêt qui retient ici notre attention, les juges effectuent dans un premier temps une reprise littérale du motif posé par la Cour de cassation dans l’arrêt de principe du 26 novembre 2003, maintes fois confirmé : « chaque copropriétaire a le droit d’exiger le respect du règlement de copropriété ou la cessation d’une atteinte aux parties communes par un autre copropriétaire sans être astreint à démontrer qu’il subit un préjudice personnel et distinct de celui dont souffre la collectivité des membres du syndicat ».

7La cour rappelle cependant que la recevabilité de l’action individuelle est conditionnée par la mise en cause du syndicat des copropriétaires dans la procédure. Cette solution qui a émergé en jurisprudence dans un arrêt du 30 juin 2009 (n° 08-14908) semble acquise et a depuis été largement confirmée (v. notamment CA Paris, 3 avril20 13, RG 11/20385 ; Cass. civ 3e, 8 juillet 2015 n° 14-16.975). L’admission conditionnelle de la recevabilité de l’action individuelle se justifie parfaitement au regard des articles 14 et 15 de la loi du 10 juillet 1965 : la présence du syndicat dans la procédure est le corollaire de sa compétence en matière d’administration des parties communes. Son appel dans la cause permet de recueillir l’opinion du syndicat sur le litige mais aussi d’assurer l’opposabilité de la décision à son égard. Cette solution offre une conciliation entre un principe permettant d’assurer la protection des parties communes par un contrôle mutuel des copropriétaires, en considérant que chacun d’entre eux souffre du préjudice collectif et peut ainsi intenter une action pour le faire cesser, tout en conservant la figure tutélaire du syndicat personnifié.

Arrêt commenté :
Cour d’appel, Lyon 1re chambre civile B, 21 février 2017, n° 15/08581



Citer ce document


Simon Journet, «Condition de recevabilité d’une action individuelle en cessation d’atteintes aux parties communes», BACALy [En ligne], n°10, Publié le : 22/01/2018,URL : http://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=333.

Auteur


À propos de l'auteur Simon Journet

Doctorant contractuel à l’Université Jean Moulin Lyon 3


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