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La preuve d’un avantage matrimonial peut résulter d’un faisceau d’indices

Thibaut Hillenmeyer


1Comme bon nombre de contentieux successoraux, l’intervention du juge résulte d’une mésentente entre les membres d’une famille où l’émotion d’un décès est vite dépassée par les passions et chicanes familiales. Tel était le cas entre les trois enfants issus d’une précédente union du défunt et leur belle-mère, conjointe survivante, avec qui le défunt avait adopté quelques années plus tôt le régime de la communauté universelle avec clause d’attribution intégrale des biens communs au survivant.

2L’arrêt de la cour d’appel fait suite à presque dix ans de procédure judiciaire initiée par les trois enfants issus du premier lit du défunt. Après une première demande en annulation du régime matrimonial infructueuse, les trois enfants ont décidé d’agir en retranchement en vertu de l’article 1527 du Code civil et de demander le partage de la succession de leur père. Le tribunal de grande instance de Lyon a fait droit à cette demande dans une décision de 2013, confirmée pour l’essentiel en appel deux ans plus tard. Un pourvoi en cassation est formé par le conjoint survivant, désireux de faire échouer cette action en retranchement. L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 7 décembre 2016 a éclairci le contentieux sur deux points : une action en retranchement est recevable même si elle n’intervient que dans le cadre d’une seconde demande distincte, et le partage judiciaire ne peut être ordonné, au sens de l’article 840 du Code civil, lorsqu’il n’y a pas d’indivision. L’affaire est alors renvoyée au fond.

3La cour d’appel de Lyon, autrement composée, a pris en compte ces solutions : le partage de la succession du défunt est infirmé et l’action en retranchement des demandeurs est recevable. Mais l’intérêt de l’arrêt du 14 mars 2019 se situe cette fois-ci sur le terrain de la preuve de l’avantage matrimonial, puisque même si le bien-fondé de l’action ne peut être remis en cause, encore faut-il réussir à démontrer l’excès de l’avantage matrimonial sur la quotité disponible spéciale entre époux.

4Pour accepter l’action en retranchement et démontrer que les beaux-enfants disposent de preuves suffisantes, les juges du fond ont d’abord opposé l’adage nemo auditur au conjoint survivant qui arguait de l’impossibilité d’une action en retranchement du fait de l’absence d’inventaire du patrimoine des époux lors de leur changement de régime matrimonial. Surtout, la cour relève que les beaux-enfants avaient tout de même produit divers documents (inventaire mobilier, documents liquidatifs du notaire, déclaration de succession) auxquels les juges ont été sensibles en retenant que s'il est exact qu'aucun inventaire du patrimoine des époux n'a été réalisé au moment du changement de régime, il n'en reste pas moins que les pièces produites établissent sans ambiguïté l'existence d'un avantage matrimonial au bénéfice du conjoint survivant. Un faisceau d’indices est donc suffisant pour prouver l’existence d’une indemnité de retranchement.

Arrêt commenté :
CA Lyon, 1re chambre civile A, 14 mars 2019, n° 17/00897



Citer ce document


Thibaut Hillenmeyer, «La preuve d’un avantage matrimonial peut résulter d’un faisceau d’indices», BACALy [En ligne], n°13, Publié le : 01/08/2019,URL : http://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=1983.

Auteur


À propos de l'auteur Thibaut Hillenmeyer

Étudiant, Université Jean Moulin Lyon 3, M2 Droit notarial interne


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