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Nullité d’une donation d’un bien commun pour insanité d’esprit

Guillaume Millerioux


1Le 17 avril 2008, un couple marié consent, par acte notarié, à la donation en nue-propriété d’une maison à leurs petits-enfants. Le donateur décède le 21 août 2008. Les 5 et 8 avril 2013, l’oncle des gratifiés les assigne en nullité de la donation pour insanité d’esprit du disposant et pour absence de consentement libre et éclairée de la donatrice. En première instance, le tribunal de grande instance de Lyon considère l’action en nullité irrecevable car l’oncle n’avait pas publié l’assignation en nullité sur un registre spécial. Ce dernier interjette appel, tout en ayant remédié entre temps au défaut de publication. Dans un arrêt du 20 novembre 2018, la cour d’appel de Lyon réforme le jugement et conclut à la nullité de la donation pour insanité d’esprit du donateur.

2Le raisonnement de la cour d’appel n’est pas original mais il donne l’occasion de préciser les conditions à remplir pour annuler une libéralité pour insanité d’esprit (I), puis de rappeler brièvement les règles entourant l’action en nullité d’une donation portant sur un bien commun après le décès du disposant (II).

I/ La caractérisation de l’insanité d’esprit

3L’article 901 du Code civil énonce la règle selon laquelle pour faire une libéralité, il faut être sain d’esprit, mais ne précise pas les conditions à remplir pour caractériser l’insanité d’esprit du donateur. La réponse se trouve dans l’article 414-1 qui étend la règle originelle de l’article 901 (codifiée dès 1804) à l’ensemble des actes juridiques (la même règle est aussi rappelée pour les contrats à l’article 1129). Il convient de caractériser, d’une part, l’existence d’un trouble mental, peu importe sa cause ou sa durée. Il suffit que le trouble soit assez grave pour empêcher l’expression d’une volonté consciente. Et il faut démontrer, d’autre part, que le trouble mental existait au moment de l’acte. La preuve (intrinsèque ou extrinsèque) du trouble mental se rapporte par tous moyens, tels que des certificats médicaux ou des témoignages, et est à la charge de celui qui se prévaut de la nullité. En l’espèce, l’oncle des gratifiés a justement produit des courriers de la donatrice, rédigés « dans un temps très proche de la donation » ainsi que des certificats médicaux attestant de l’existence d’un trouble mental au moment de la donation. L’insanité d’esprit du donateur au moment de la donation était donc caractérisée.

II/ L’action en nullité d’une donation d’un bien commun

4De son vivant, selon l’article 414-2, l’action en nullité pour insanité d’esprit n’appartient qu’au donateur. Après sa mort, ses héritiers peuvent librement contester la validité de la libéralité (les conditions alternatives de l’article 414-2 ne leur sont pas applicables) à condition toutefois que l’action ne soit pas prescrite. L’action doit être intentée dans les cinq ans à compter de la mort du disposant (v. pour une application récente : Cass. civ. 1re, 8 mars 2017, n° 16-12607). En l’espèce, l’action en nullité a été introduire quatre mois avant qu’elle ne soit prescrite. Enfin, l’alinéa 1er de l’article 1422 dispose que les époux ne peuvent l'un sans l'autre, disposer entre vifs, à titre gratuit, des biens de la communauté. Autrement dit, la validité de la donation d’un bien commun est subordonnée à l’existence du consentement des deux époux ; à défaut, notamment en cas d’insanité d’esprit de l’un des époux, la donation est annulée dans son ensemble. Telle est la solution retenue par la cour d’appel de Lyon.

Arrêt commenté :
CA Lyon, 1re chambre civile B., 20 novembre 2018, n° 17/03209



Citer ce document


Guillaume Millerioux, «Nullité d’une donation d’un bien commun pour insanité d’esprit», BACALy [En ligne], n°12, Publié le : 01/02/2019,URL : http://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=1788.

Auteur


À propos de l'auteur Guillaume Millerioux

Doctorant à l’université Jean Moulin Lyon 3


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