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Clause de non-concurrence et cession de contrôle

Charles Croze

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1Les clauses de non-concurrence lors d'une cession de contrôle de sociétés nourrissent un contentieux fourni. L'arrêt rendu par la première chambre civile de la cour d'appel de Lyon, le 8 mars 2012 en est une illustration.

2En l’espèce, les deux associés de la société Acca cèdent leurs participations à une autre société Financière Acca. Une clause de non-concurrence est stipulée dans l'acte de cession. La société Acca estimant que les cédants sont les auteurs de faits, constitutifs, d'une part, d'une violation de la clause de non-concurrence et, d'autre part, de concurrence déloyale, sollicite l'octroi de dommages et intérêts.

3L'arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon analyse, tout d’abord, la validité de la clause de non-concurrence stipulée dans l'acte de cession. La cour considère que la clause est valable, dans la mesure où elle est limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle est justifiée par la nature de l'activité interdite et qu'elle n'aboutit pas à une interdiction générale et absolue. La cour n'aborde pas la problématique de l'existence d'une contrepartie financière à cette clause, semblant ainsi se rallier à la doctrine majoritaire qui n'a pas vu dans l'arrêt rendu par la Cour de cassation, le 15 mars 2011 (Cass. com., 15 mars 2011, n° 10-13.824, JurisData n° 2011-003902 ; JCP E, 2011, 1409, note A. Couret et B. Dondero) un revirement de jurisprudence conduisant à transposer les critères de validité de la clause de non-concurrence en matière sociale aux clauses de non-concurrence en matière commerciale. On rappellera que l’arrêt précité avait considéré qu’un salarié, devenu après plusieurs années, associé minoritaire de son employeur, souscrivant un engagement de non-concurrence, dans un pacte d’actionnaire, qui s’imposait à lui, en tant que salarié et non qu’associé, était nul, faute de contrepartie financière. Toutefois, la cour écarte toute référence aux fonctions des cédants, pour apprécier la validité de la clause, considérant que lesdites fonctions ne sont citées que pour définir la période d'interdiction. Il est ainsi permis de s'interroger sur la question de savoir si les cédants, dont l'un, a minima, avait, outre la qualité d'associé, celle de salarié, n'ont pas soulevé le moyen tiré de la nullité de leur engagement de non-concurrence, sur le fondement de la jurisprudence précitée et si ce moyen n'avait pas vocation à être accueilli. À notre sens, l'arrêt du 15 mars 2011 ne pouvait trouver à s'appliquer car les cédants étaient, avant tout, associés dirigeants, et, ensuite salariés et l’activité concurrente était exercée par une société, dont les cédants étaient associés.

4La cour apprécie ensuite l'existence ou non d'une violation de la clause de non-concurrence, en s'attachant au degré de similitude susceptible d'exister entre l'activité d'édition et de passation de tests pour les conducteurs d'automobiles et l'activité de réalisation d'évaluations de l'aptitude psychologique du personnel travaillant sur le réseau ferré. Elle considère, à bon droit, d'une part que le développement par les cédants d'une activité de réalisation d'évaluations de l'aptitude psychologique, relatif aux conditions d'aptitude physique et professionnelle à remplir par le personnel pour être habilité à exercer des fonctions relatives à la sécurité sur le réseau ferré national, ne présente aucun rapport avec l'activité de récupération de points sur un permis de conduire de véhicule terrestre à moteur et d'autre part que l'activité de réalisation d'évaluations de l'aptitude psychologique, relatif aux conditions d'aptitude physique et professionnelle à remplir par le personnel pour être habilité à exercer des fonctions relatives à la sécurité des usagers, des personnes et des tiers sur le réseau ferré s'est développée, au sein de la société cédée, postérieurement à la cession. Elle en conclut qu'il n'y a pas de violation de l'obligation de non-concurrence. Par cette analyse, la cour applique les critères jurisprudentiels traditionnels permettant de déterminer s'il y a ou non violation d'une obligation de non-concurrence, en analysant l'activité réellement exercée par la société cédée, à l'époque de la cession (Cass. soc., 18 décembre 1997, n° 94-45.548, JCP G, 1998, IV, n° 1311).

5Enfin, nul n'ignore qu'il convient de distinguer la violation d'une clause de non-concurrence et la commission d'agissements susceptibles de constituer des faits de concurrence déloyale, cette dernière pouvant être retenue, en l'absence de toute clause spécifique (CA Versailles, 29 mars 1990, D. 1990, som., p. 335, obs. Y. Serra). C'est pourquoi, l'arrêt, après avoir énoncé que le démarchage effectué par les cédants n'était pas constitutif d'une violation de la clause de non-concurrence, précise que la forme de ce démarchage ne constitue pas, davantage, des faits de concurrence déloyale, faute d'éléments probants suffisants.

Arrêt commenté :
CA Lyon, 1re chambre civile, 8 mars 2012, n° 11/01388



Citer ce document


Charles Croze, «Clause de non-concurrence et cession de contrôle», BACALy [En ligne], n°1, Publié le : 20/06/2012,URL : http://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=1612.

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À propos de l'auteur Charles Croze

Avocat au barreau de Lyon


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