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Dénomination sociale, concurrence déloyale et parasitisme

Thierry Favario

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1Pas de concurrence déloyale, par risque de confusion ou par parasitisme, dès lors que les dénominations sociales des sociétés concurrentes ne sont objectivement pas de nature à créer une confusion auprès de clients normalement attentifs.

2Les associés choisissent en principe librement la dénomination de leur société sous certaines réserves liées notamment au respect de l’ordre public et des bonnes mœurs, des droits de propriété intellectuelle et de la loyauté de la concurrence. L’arrêt sous examen illustre le troisième type de réserves.

3En l’espèce, une société Imprimerie Rhodanienne, immatriculée en 1957, reprochait à une entité concurrente dénommée Rhod Imprim, constituée, elle, un demi-siècle plus tard, des faits de concurrence déloyale découlant de la similitude des désignations. En somme, la première société reprochait à la seconde de créer un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle et d’être l’auteur d’un parasitisme. Le grief semblait sérieux, la société Imprimerie Rhodanienne alléguant qu’un certain nombre de ses clients avaient été victimes d’une telle confusion. L’action était classiquement fondée sur l’article 1382 du Code civil et ladite société sollicitait, outre une condamnation globale du concurrent à hauteur de 60 000 € (on aurait aimé avoir le détail de l’argumentation pour justifier ce montant : préjudice moral, perte de chiffre d’affaires…), l’obligation pour ce dernier de changer de dénomination sociale et l’interdiction d’exploiter la dénomination Rhod Imprim pour tous produits et services similaires et complémentaires à ceux de l’imprimerie.

4La cour d’appel de Lyon rejette cependant l’ensemble de ces demandes en refusant de considérer que les actes de concurrence déloyale sont ici caractérisés selon un raisonnement qu’il convient de restituer. Si les juges relèvent, effectivement, certaines similitudes entre les dénominations sociales – ce qui ne doit pas surprendre s’agissant de deux sociétés exerçant une activité identique dans un secteur géographique commun – ils soulignent immédiatement que l’impression d’ensemble ne crée pas de confusion. On remarquera que la confusion s’apprécie au regard des syllabes employées mais également de la dimension phonique des dénominations. Et les magistrats de conclure : « Un client normalement attentif comprend à l'évidence qu'il s'agit de deux sociétés différentes à l'énoncé même de la dénomination commerciale ». La cour d’appel rejette, par ailleurs, plus rapidement, le grief de parasitisme, estimant que la société demanderesse n’en rapportait tout simplement pas la preuve.

5Quels enseignements déduire de cet arrêt ? Il montre, tout d’abord, que même si le risque de confusion ne nécessite plus la démonstration d’une clientèle commune aux entreprises en litige (Cass. com., 27 janv. 2009, CCC, 2009, comm. 78, M. Malaurie-Vignal), c’est bien dans ce genre de cas que le contentieux naît généralement. Celui qui crée une confusion entend, en effet, souvent capter une partie de la clientèle d’un concurrent ; s’il intervient sur un autre segment de la clientèle, on aura plutôt tendance à retenir un fait de parasitisme. Par ailleurs, il illustre la méthode d’appréciation adoptée par les juges soit la comparaison des deux dénominations sociales du point de vue du standard du client « normalement attentif ». On ajoutera que les magistrats peuvent être enclins à une appréciation plus stricte dès lors qu’il s’agit de relations entre professionnels. L’arrêt, enfin, ne doit pas masquer le rôle du conseil (avocats, notaires…) des associés lors de la constitution de la société s’agissant du choix de la dénomination sociale. La consultation du fichier de l’INPI constitue, en ce sens, une diligence élémentaire.

Arrêt commenté :
CA Lyon, 1re chambre A, 26 avril 2012, n° 10/01017, JurisData 2012/008208



Citer ce document


Thierry Favario, «Dénomination sociale, concurrence déloyale et parasitisme», BACALy [En ligne], n°1, Publié le : 20/06/2012,URL : http://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=1609.

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À propos de l'auteur Thierry Favario

Maître de conférences, Université Jean Moulin Lyon 3


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