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La qualification d’internationalité d’une clause compromissoire ne dépend pas de la volonté des parties, ni du droit applicable au contrat principal

Pamela Guichard


1Une clause compromissoire est une convention autonome insérée dans un contrat principal, par laquelle les parties s’engagent à soumettre à une juridiction arbitrale, tout litige pouvant naître relativement à ce contrat. L’arbitrage peut être national ou international.

2Cette qualification est importante, car elle permet d’appliquer le cadre législatif procédural et ainsi déterminer les conditions de sa validité. À savoir que l’arbitrage qualifié d’international en France est régi par les articles 1504 à 1527 du Code de procédure civile, sous le titre II intitulé, arbitrage international.

3L’arrêt de la cour d’appel de Lyon rendu le 7 février 2013 (JurisData n° 11/02232), a qualifié d’international une clause compromissoire insérée dans un accord de rupture anticipée régi par le droit français. En première instance, le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse avait invalidé cette clause compromissoire, puisqu’il s’était déclaré implicitement compétent pour connaître le litige.

4En l’espèce, la société Mitsubishi Motor Sports (dénommée encore société MMSP) avait décidé de cesser ses activités dans le domaine de la compétition sportive de rallye. Cette cessation d’activité l’empêchait donc de remplir ses obligations contractuelles, jusqu’à son terme, envers ses quatre cocontractants suivants : la société Aldev (société française), MM. Luc Alphand et Gilles Picard (sportifs français) et la société GPS Performance (société suisse).

5Le 4 mai 2009, la société MMSP avait conclu un accord avec chacun de ses cocontractants, dont l’objet était la rupture anticipée des précédentes conventions d’activités promotionnelles, afin de prévenir toute contestation à naître.

6Au mois de novembre 2009, la société Stradale Off Road avait racheté la société MMPS, reprenant ainsi les droits et obligations de cette dernière. Puis la société Stradale Off Road, en difficulté financière, avait été assignée devant le tribunal de commerce, par les quatre cocontractants au payement du solde des sommes convenues. Le tribunal condamna la société Stradale à payer les créances aux quatre cocontractants, le 18 mars 2011.

7L’appel avait été interjeté par la société Stradale Off Road, qui pendant la procédure, avait été placée en liquidation financière, le 22 novembre 2011.

8En l’espèce, concernant le litige opposant la société GPS Performance à la société Stradale Off Road, les questions étaient de savoir si d’une part, la clause compromissoire relevait de l’arbitrage interne ou de l’arbitrage international. Et d’autre part, d’analyser sa validité, soit en vertu des articles du Code de procédure civile régissant l’arbitrage interne, soit sur ceux régissant l’arbitrage international, afin de déterminer la compétence soit étatique soit arbitrale de juge, pour statuer au fond sur le litige.

9Pour apprécier le caractère de l’arbitrage, la cour d’appel s’est attachée à l’opération juridique découlant de l’accord de rupture anticipée conventionnelle, en d’autres termes, le payement des sommes dues, ainsi qu’au litige résultant de cette opération. Elle en a déduit que l’opération consistait en un « transfert de fond au travers de frontières », et par conséquent, cette opération « se dénouait dans plus d’un État ». Elle a par ailleurs précisé que, pour retenir le caractère international de la clause d’arbitrage, ce critère était suffisant et indépendant, des critères de la nationalité des parties, de la loi applicable au fond ou à l’arbitrage ou encore au siège du tribunal arbitral, puisque cette opération « mettait en cause les intérêts du commerce international » comme mentionné à l’article 1504 du Code de procédure civile.

10La cour d’appel a fait une exacte application de la jurisprudence bien établie par la Cour de Cassation (Cass. civ. 1re, 12 mai 2010, n° 09-11.872 ; Cass. civ. 1re, 26 janvier 2011, n° 09-10.198, JurisData n° 2011-000726) estimant que l’internationalité d’un arbitrage faisait appel à une définition économique, caractérisée par une opération impliquant des mouvements transfrontaliers de capitaux, de biens ou de services.

11De même, en vertu de l’effet négatif de la convention d’arbitrage, il est interdit aux juridictions étatiques de trancher des litiges qui ont fait l’objet de la convention. Selon ce principe, le juge étatique est non compétent pour juger ces litiges, hormis « si le tribunal arbitral n’a pas encore été saisi et si clause compromissoire est manifestement nulle ou manifestement inapplicable », défini par l’article 1448 du Code de procédure civile. 

12La cour d’appel a justifié l’incompétence juridictionnelle étatique en l’espèce, en fondant la validité de la clause compromissoire, sur le fait que le mode de désignation des arbitres n’était pas impraticable. La clause stipulait en effet, que « tout litige, controverse ou plainte, résultant de l’accord anticipé serait soumis à des arbitres suisses », sans donner plus de détails et sans renvoi à un règlement d’arbitrage comme il est d’usage. Parallèlement, la condition écrite du mode de désignation des juges, n’est pas une condition d’exigibilité en arbitrage international, comme elle a pu l’être en arbitrage interne, sous l’article 1443 du Code de procédure civile, avant l’entrée en vigueur du décret du 13 janvier 2011 n° 2011-48. Ainsi la deuxième condition exigeant manifestement la nullité ou l’inapplicabilité de la convention d’arbitrage n’était pas remplie. Il faut préciser que dans la cadre d’une convention d’arbitrage international, aucune condition de forme n’est requise, comme il est stipulé à l’article 1507 du Code de procédure civile.

13Subsidiairement, il était question de savoir s’il y avait eu renonciation à la clause compromissoire. Cela se traduit par le fait que les deux parties à la convention d’arbitrage, renoncent soient implicitement, soit expressément, mais dans les deux cas, de manière synallagmatique. La renonciation implicite est constituée par l’acte d’assignation pour le demandeur, et pour le défenseur, en comparaissant sans soulever l’incompétence de la juridiction étatique in limine litis. Or, comme dans le cadre d’une clause compromissoire, un tel accord de volonté s’impose aux juges. En l’espèce la société GPS Performance avait assigné devant le tribunal de commerce, la société Stradale Off Road, donc, celle-ci avait accepté tacitement de renoncer à la convention d’arbitrage. Néanmoins, la cour d’appel a décidé que le refus d’une procédure de médiation devant le Tribunal du sport par la société Stradale Off Road, n’avait aucun lien avec la procédure en cause et ne pouvait par conséquent être qualifié de renonciation implicite au bénéfice de la clause compromissoire.

14Concernant les accords de rupture anticipée avec les autres cocontractants français, elle s’est estimée compétente pour les juger sur le fond et les valider. Elle n’a pas abordé la problématique de l’arbitrage interne.

Arrêt commenté :
CA Lyon, chambre civile 1A, 7 février 2013, n° 11/02232



Citer ce document


Pamela Guichard, «La qualification d’internationalité d’une clause compromissoire ne dépend pas de la volonté des parties, ni du droit applicable au contrat principal», BACALy [En ligne], n°3, Publié le : 03/07/2013,URL : http://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=1277.

Auteur


À propos de l'auteur Pamela Guichard

Juriste, doctorante à l’Université Jean Moulin Lyon 3


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