Les élites féminines : actrices historiques de l'espace francophone

DOI : 10.35562/rif.875

Résumés

« La femme contient le problème social et le mystère humain. Elle semble la grande faiblesse, elle est la grande force » Victor Hugo. Cette citation traduit toute l’ambiguïté de la place des femmes dans la société. Malgré cette ambivalence renforcée par leur mise au second plan, les femmes ont toujours été présentes dans l’espace francophone. Même si leur histoire est souvent tue, elles ont été source de pouvoir depuis des siècles : pouvoir économique, familial, politique, d’influence et même militaire. Toutefois disposer de pouvoir suffit-il à être qualifié d’élite ? Nous verrons que le terme d’élite renferme bien d’autres sens.

« The Woman is the social problem and human mystery. She seems to be the big weaknes, she actually is the great strength ». This quote from Victor Hugo translate the ambiguity of woman position in the society. Despite of this ambiguity, enhanced by the fact they’ve been put on the background, women have always been present in the francohpone countries. Even if there story have often been kept quite, they’ve been a source of power from centuries : economic, family, military… However does having power is enough to be qualified of elite ? We will see that the word elite means much more.

Index

Mots-clés

femme, histoire, francophonie, élite, société

Keywords

woman, History, Francophone community, elite, society

Plan

Texte

La femme contient le problème social et le mystère humain. Elle semble la grande faiblesse, elle est la grande force », Victor Hugo (Victor Hugo, 2012, 221)1. Cette citation traduit toute l’ambiguïté de la place des femmes dans la société. Si celle-ci a suscité et suscite encore de nombreuses questions, les réflexions sur ce sujet ne sont donc pas nouvelles. Déjà les mythes antiques font apparaître une réflexion sur ce thème. Alors que Xénophon et Aristote maintiennent la femme dans une infériorité totale, d’autres, comme Platon, émettent l’hypothèse toute théorique d’une égalité entre les sexes. Nous retrouvons ce même débat, 2 100 ans plus tard avec les Lumières, où Jean Jacques Rousseau réitère la position misogyne d’Aristote comme on peut le constater dans La Nouvelle Héloïse, tandis que Diderot revendique la liberté de la femme. Cette ambiguïté sur le rôle des femmes est toutefois mise de côté dans les livres d’Histoire, où la femme n’est souvent relayée qu’à son rôle d’épouse et de mère. En effet, durant de nombreuses décennies, l’Histoire était écrite par les hommes et pour les hommes laissant de côté les femmes et leur rôle dans la société, comme l’évoque Downs et Laufer dans leur introduction au dossier « les Patronnes » paru dans la revue Travail, genre et sociétés (Downs et Laufer, 2005, 27). Il a fallu attendre les années 1970 pour que l’histoire des femmes fasse l’objet, en France, de diverses études d’un point de vue historiographique. Toutefois, cette histoire des femmes est quasi systématiquement orientée vers le féminisme ou la lutte pour l’acquisition des droits. Les femmes célèbres faisant l’objet d’études, le sont pour leur lutte féministe telles qu’Olympe de Gouges, Ida Faubert, Emilie Gourd, Simone de Beauvoir ou encore Soumaya Naamane Guessous. Même si leur histoire est tue, les femmes ont été source de pouvoir depuis des siècles : pouvoir économique, familial, politique, pouvoir d’influence pour les reines et même pouvoir militaire pour certaines comme Jeanne d’Arc ou Seh Dong Hong-Beh. Ces pouvoirs conquis par les femmes font d’elles des personnages importants que l’on peut qualifier d’élites. Mais qu’entend-on par élite ? Suffit-il de disposer de pouvoir pour faire partie de l’élite ? Grammaticalement, le terme d’élite vient du latin eligere et signifie élus. Les élites seraient donc ceux reconnus comme les meilleurs. Malgré cette simplicité apparente, il existe une véritable complexité pour définir ce terme, laissant ainsi ses contours « flous » (Busino, 1992, 87). Si ce débat trouve sa source dans les écrits de Pareto (Leferme-Falguières, Van Renterhem, 2001, 58) et de Mosca, il se verra amplifier dans les années qui suivirent notamment avec les travaux de Raymond Aron. Approche moniste défendue par Wrigt Wills, pluraliste soutenue par Talcot Parson ou configurationiste (Heinich, 2004, 73), singulier ou pluriel, conception naturaliste ou conventionnelle les divergences sont nombreuses. A celles-ci s’ajoute la difficulté du caractère évolutif et subjectif de cette notion suscitant une forte appréhension du point de vue historiographique. Afin de ne pas être lié à une conception parfois trop restrictive de la notion, nous avons fait le choix ici d’entendre le terme d’élite comme englobant les individus faisant « bouger les lignes », évoluer la société. Cette conception large de la notion d’élite nous permet, dans le cadre d’une étude historique d’être en adéquation avec la forme d’élite propre à chaque période historique et à la spécificité du genre. En effet, les élites féminines supposent une distinction à la fois des femmes « ordinaires » et à la fois des élites masculines comme le montre Sylvie Joye (Joye, 2003, 4). Si la présence d’élites féminines est incontestable, quelle existence ont-elles au sein de l’espace francophone ? Quelles évolutions ont-elles dans la société ? Quelle visibilité pour ces élites ?

Précisons tout d’abord, qu’il existe une pluralité de définitions de l’espace francophone en raison de sa grande diversité géographique, politique mais aussi culturel. Si à l’origine cet espace est purement lié à la langue française2, celui-ci a évolué jusqu’à devenir une entité de partage et d’échanges interculturels (Phan et Guillou, 2011, 15). Les divergences nationales des pays composant l’espace francophone nous ont amené à traiter principalement du cas français, tout en illustrant nos propos avec des exemples provenant d’autres États membres de cet espace afin de mettre en lumière leurs particularités. Le choix pour cette communication a été d’effectuer une analyse généraliste retraçant l’Histoire des élites féminines dans l’espace francophone et spécialement en France afin de mettre en lumière les convergences et divergences entre grandes étapes de la société, leur rôle sur le développement des élites féminines et leur visibilité dans la société. Des siècles durant, les élites féminines ont marqué les évolutions de ces pays en jouant un rôle actif dans l’accompagnement du changement voire même dans sa genèse. Identifier les périodes majeures, présenter les domaines d’excellence et nommer les actrices incontournables, semble être une entrée obligatoire à la présentation de ce sujet. En effet, les évolutions juridiques et les changements d’opinions en faveur des femmes vont fortement prédisposer la société à accueillir les élites féminines en son sein. Malgré les idées préconçues, elles sont présentes très tôt dans les civilisations et jouent un rôle important dès le Moyen âge. Contre toute attente, les révolutions et les jours qui suivront seront les plus sombres pour l’histoire des femmes en général mais également celle des élites féminines réduites à la sphère privée. Toutefois, cet enfermement de la femme dans le domaine privé mettant à mal les élites féminines ne durera pas. C’était sans compter sur la volonté et la force des femmes qui reprendront rapidement leur place dans la sphère publique recréant leur sphère élitiste. Celles-ci se développeront fortement au cours du XXème et XXIème siècle les gouvernements favorisant cette montée en puissance de la féminisation des élites à travers des lois.

I. L’existence d’une élite féminine dès l’origine de l’espace francophone

Les premiers empereurs ont préparé la voie aux femmes dans le domaine politique en investissant leur épouse et leur mère des dignités les plus hautes, créant ainsi les prémices d’une élite féminine dirigeante. Nous pensons notamment à l’impératrice Zoé qui régna sur l’empire Byzantin de 1028 à 1050. Dès le Moyen âge, en raison de l’interpénétration entre la sphère privée et la sphère publique, mise en lumière par Régine Le Jan, les femmes vont être associées au pouvoir de leur mari et agir directement notamment dans le domaine diplomatique (Deswarte, 2004, 94). En effet, au Moyen âge les châtelaines contribuent à la vie de la France féodale. Des femmes participent à la promulgation des lois, à l’octroi des chartes aux loyaux sujets, tiennent une cour plénière et reçoivent l’hommage de leurs vassaux. Au XIVème siècle, la comtesse Mahaut d’Artois, soutient la couronne sur la tête de son gendre Philippe le Hutin, pendant la cérémonie du sacre. Elle siège parmi les grands barons à la Haute Cour de justice. Concernant les plus hautes distinctions des royaumes, les femmes s’imposent également garantissant de cette manière leur place au sein des élites. Par exemple, Ana Alfonso de Leao, qui contrôla les territoires de Lemba et Matari dans le royaume du Kongo. Il en va de même de Lý Chiêu Hoàng, unique impératrice de l’histoire du Vietnam, ou de Catherine de Médicis exerçant une puissante influence sur la gouvernance de la France. Ainsi, pendant plusieurs siècles les femmes ont participé en partie à la vie politique et administrative de l’espace francophone, signe d’une réelle élite féminine politique.

« L’influence [et le pouvoir] exercés par les unes et les autres sont d’autant plus remarquables qu’ils ne s’expliquent ni par une théorie de la souveraineté qui accorderait aux reines une partie du pouvoir du roi, ni par le principe de l’hérédité qui, dans les monarchies modernes, a permis à une femme d’être héritière, ou tout au moins, dépositaire de la suprême puissance » (Abensour, 2014, 56). Celle-ci parfois même source d’une élite féminine dans le monde économique. Le meilleur exemple du couplage de ces deux sphères est Aliénor d’Aquitaine. Reine de France, puis reine d’Angleterre, Aliénor d’Aquitaine osa bouleverser le pouvoir politique en occupant le pouvoir par la régence et en conservant la gestion de l’Aquitaine et du Poitou. S’agissant du domaine économique, Aliénor d’Aquitaine va permettre l’expansion des vins de Bordeaux qui connaîtront la prospérité grâce aux « privilèges » obtenu avec la couronne d’Angleterre. Suite à ces privilèges, les vignobles bordelais vendront la totalité de leurs stocks et s’étendront sur les terres voisines de Bordeaux. Si Aliénor d’Aquitaine eut un rôle économique favorable sur ces terres, ce ne fût pas la seule à s’emparer du pouvoir économique. En effet, de nombreuses femmes, à leur échelle, vont créer des boutiques ou jouer un rôle dans le monde de la finance. Dès le Moyen âge les femmes sont investies d’un rôle financier dans la société. En particulier, les veuves et les femmes seules apportent leur capital, faisant ainsi parties des transactions financières, comme l’évoque William Chester Jordan dans son étude « Women and credit in Pre-Industrial and Developing Societes » (Jordan, 1993, 130). Ces riches femmes, en appartenant à la catégorie des créanciers font alors partie intégrante de l’élite économique. S’agissant du commerce, les femmes ne sont pas en mal, même si sur les registres commerciaux leur présence se fait rare, dans la pratique celles-ci sont bien présentes3. Les femmes sont tout d’abord présentes dans les commerces familiaux, aidant leur mari à la tâche, mais ceux-ci ne sont pas forcément source d’élitisme. Elles sont également à l’origine de leur propre commerce qui peut être important soit quantitativement, soit par le prestige de la clientèle, ce qui est alors forme d’un élitisme. C’est notamment le cas de Rose Bertin surnommée « la ministre des modes » de Marie Antoinette (Haru Crowston, 2005, 75). Rose Bertin détient un commerce de vêtements et d’articles de mode, elle a pour clientes, les femmes de la noblesse, de l’aristocratie et surtout Marie-Antoinette. En plus de cette clientèle de renommée, Rose Bertin manie avec brio les réseaux de crédits commerciaux tant en tant qu’emprunteuse que de prêteuse, en raison des achats à crédit fait par sa clientèle l’obligeant elle-même à utiliser ce processus. Par sa gestion commerciale, ses relations et son intelligence professionnelle Rose Bertin peut être considérée comme une figure clef de l’élite féminine économique.

De manière plus méconnue, il existe une élite féminine intellectuelle et artistique, illustrée notamment par Christine de Pisan ou encore Johane de Malone. Celle-ci ne correspond principalement qu’aux hautes classes sociales puisque depuis le XVIème siècle, l’éducation féminine est différenciée selon la classe sociale à laquelle les femmes appartiennent. D’un côté la femme noble connaît le latin, le grec et la philosophie et de l’autre la femme du peuple est plongée dans la plus profonde ignorance, créant ainsi un manque d’instruction pour la majorité des femmes qui sera déploré par Mademoiselle de Gournay en 1622.

De façon plutôt surprenante et éphémère, une élite féminine est également présente au sein de l’Église catholique même si celle-ci sera rapidement dissipée au profit de l’exclusivité masculine. Les femmes exerçaient des fonctions sacerdotales, enseignaient, exorcisaient et baptisaient (Moisset, 2010, 63). Cette place privilégiée au sein de l’Église nécessitait des connaissances religieuses et intellectuelles signe d’un niveau social élevé et d’une reconnaissance au sein de la société. De fait, une véritable élite féminine religieuse est présente, occupant des hautes fonctions au sein des diocèses. Toutefois, à la fin du XIème siècle, l’Église élimina les femmes des fonctions élevées en limitant leur éducation à l’enceinte des couvents. Un contrôle considérable sur l’avenir des femmes est ainsi exercé par l’église catholique. De fait, l’élite féminine religieuse est dissolue ce qui a pour conséquence de faire perdre aux femmes une part de leur pouvoir et de leur visibilité au sein de la vie publique.

Ainsi, les élites féminines s’illustrent dans divers domaines dès le Moyen-Âge. Toutefois, la liberté des femmes et leurs prises de pouvoirs sont contestées. Ces contestations seront grandissantes au fil des siècles jusqu’à atteindre leur apogée à la fin du XVIIIème siècle. Les femmes de toutes les catégories sociales vont alors perdre une partie de leurs anciens rôles et de leurs pouvoirs du fait de ces contestations mais également des modifications des organisations politiques. En effet, la centralisation monarchique en France, se fit aux dépens des droits des femmes de disposer et de gérer leurs fiefs (Michel, 1979, 32). Elles se verront également interdire la détention d’une charge publique ou l’achat d’un office (Schweitzer, 2010, 18). « Si, l’Ancien Régime tenait la femme en esclavage quant aux droits civils, il ne lui refusait pas absolument tout droit politique » (Aulard, 1913, 137) contrairement à la Révolution française, qui ne rendra l’exclusion des femmes des milieux élitistes que plus réelle et plus visible. Il en va de même lors des révolutions et luttes pour l’indépendance des pays de l’espace francophone.

II. Les femmes de l’ombre : une élite féminine dans les périodes révolutionnaires et post-révolutionnaires

L’implication des femmes dans les révolutions de l’espace francophone n’est pas à minimiser. C’est naturellement à la « Révolution du Jasmin » que nous pensons en premier, où les femmes ont manifesté au côté des hommes, c’est le cas de Lina Ben Mhenmi, plus connue sous son nom de bloggeuse « Tunisian Girl ». Lors des batailles pour l’indépendance, les femmes ont également été présentes dans chaque pays composant l’espace francophone. Nous pouvons notamment faire référence à Hannah Kudjoe qui eut un rôle important dans le mouvement indépendantiste ghanéen ou encore à Malika El Fassi, seule femme signataire du manifeste de l’indépendance du 11 janvier 1944, qui intégra le mouvement nationaliste marocain en 1937. Pour finir, faisons un aparté sur la Révolution française. Selon Jules Michelet, la Révolution d’Octobre « spontanée, imprévue, vraiment populaire appartient surtout aux femmes » (Albistur et Armogathe, 1977, 227). En effet, le 5 octobre 1789, ce sont les femmes qui les premières se regroupent et marchent sur Versailles. Elles vont ramener de Versailles à Paris la famille royale, ce qui modifie fondamentalement l’espace du pouvoir (Duby, Fraisse, Perrot, 2002, 548). Ce sont les femmes de tous les milieux sociaux qui se sont activées et ont joué un rôle décisif dans les événements révolutionnaires de 1789, elles se sont également spectaculairement mobilisées au cours des grandes journées de 1792 et 1793, certaines ont fondé des clubs politiques. Face à cette participation massive des femmes, le 4 novembre 1793, la Convention décide d’interdire les clubs et sociétés populaires de femmes, fragilisant alors fortement les élites féminines. Cette « mort politique » instaurée par la Convention de 1793 est renforcée par le Code Napoléon de 1804 qui consacre la mort civile des femmes. Les femmes sont ainsi délaissées et même ridiculisées, comme ce fut le cas pour Olympe de Gouges, ce qui leur sera préjudiciable pour leur ascension au sein des élites. En effet, les femmes sont confrontées à de nombreuses difficultés s’agissant de leur accès à l’éducation, à la littérature et au succès. Cependant, ces tentatives d’entrave aux femmes n’auront qu’un effet limité sur les élites féminines, et ce, qu’il s’agisse de politique, d’influence intellectuelle ou d’économie. Malgré l’interdiction qui leur est faite, les femmes vont créer des clubs tel celui de L’harmonie sociale ou le club des Citoyennes révolutionnaires fondé en 1793 par Claire Lacombe, actrice et militante révolutionnaire. Toutes les villes vont posséder leur club féminin : Bordeaux pour sa part en compte trois (Abensour, 2014, 178). Ces clubs sont non seulement des lieux d’échanges mais aussi des lieux favorables à l’élite féminine qui développe ses compétences politiques. Les femmes vont également avoir un rôle majeur dans le domaine tant politique qu’intellectuel en étant les « maîtresses » de salons. Ces salons ne seront pas uniquement français, nous les retrouvons également dans divers pays de l’espace francophone comme en Belgique avec Zoé et Elise de Gamond qui reprennent le salon tenu par leur mère. Certes ces salons sont des lieux privés, mais on y côtoie les intellectuels et les artistes tels que Louis de Poetter, révolutionnaire belge, Condorcet ou encore Talleyrand, très assidus à ces rencontres. Réalisons tout de même un léger aparté sur l’influence des femmes d’élite dans les salons qui ont bouleversé le cours de l’Histoire de France notamment lors de la période révolutionnaire et sous le premier Empire. Nommé Ministre des Relations extérieures, Charles Maurice de Talleyrand, maître incontesté de la diplomatie à la française, ne doit-il pas une partie de sa renommée aux femmes ? Son talent d’orateur, de politicien, de financier n’est-il pas dû à ses rencontres organisées par les maîtresses de salons, comme pu le faire Germaine de Staël. Enfin lorsque Adolphe Thiers interrogera le diable boiteux sur l’importance qu’il donne aux femmes à la fin de sa vie sur leur vision de la vie politique, celui-ci lui rétorquera « Mais, les femmes, c’est la Politique ». Cette formule de Talleyrand montre bien toute l’importance et l’influence des femmes dans le monde de la politique, qu’elles mènent et orientent avec discrétion, symbole de leur statut d’élite. Ces salons sont des espaces privilégiés pour les élites politiques, économiques et artistiques car les idées et les différents courants s’y entremêlent et sont ainsi la source du bouillonnement intellectuel de l’époque. Si la plupart de ces salons sont tenus par des femmes littéraires de la haute société telles que Madame de Staël ou Juliette Récamier, d’autres sont dirigés par des femmes proches du pouvoir comme Marie Agoult plus connue sous le nom de Daniel Stern ou à l’inverse par de farouches opposantes au pouvoir, c’est notamment le cas de Mathilde Malenchini, qui accueille à Bruxelles des personnalités comme Louis de Poetter. En parallèle de ces clubs et salons, les femmes vont également user des associations pour développer leur influence et conserver leur place dans l’élite francophone. C’est le cas par exemple d’Hubertine Auclert qui crée sa propre association en 1876 intitulée « le droit des femmes » ou de Joséphine Stadlin qui fonde « Verein Schweizerischer Erzieherinnen », une association des éducatrices suisses. Cette utilisation de l’espace public par les associations sera amplifiée par les diverses lois sur les associations telles que celles de 1901 en France ou de 1964 en Egypte, offrant ainsi une forte visibilité aux élites féminines. La Franc-maçonnerie va également intervenir dans la création des élites féminines politiques en permettant dès 1772 l’existence de loges féminines, signe d’une ouverture d’esprit et d’un libéralisme, ce qui va donner aux élites féminines une ampleur et un pouvoir inégalable dans la société. D’un point de vue politique, une partie des femmes va également utiliser la presse pour s’exprimer et favoriser leur maintien dans l’élite. Eugénie Niboyet est l’exemple de la femme française utilisant la presse pour obtenir une forte influence dans la société. En effet, en 1833, elle fonde Le conseiller des femmes, puis en 1836, elle crée un second périodique La gazette des femmes qui lutte pour l’exercice des droits politiques pour les femmes. Elle dirige également le premier quotidien national féministe français La voix des femmes, journal socialiste et politique. Eugénie Niboyet est par conséquent une figure fondamentale du journalisme féminin. Plus tardivement on peut également faire référence à Emilie Gourd qui fonda, en 1912, le journal Le Mouvement féministe dont elle s'assurera le poste de rédactrice en chef jusqu'à sa mort. Ces femmes, élites journalistiques, limitent néanmoins leurs écrits soit aux revendications féminines soit à un public féminin. Mais, certaines d’entre elles vont faire figure d’exceptions en n’évoquant pas ces spécificités féminines, telles que Clarisse Bader et Thérèse Bentzon. Toutes deux sont collaboratrices à la Revue des deux mondes, la première notamment pour ses connaissances sur le monde asiatique et la seconde pour sa connaissance du monde anglo-saxon. La présence de ces deux femmes au sein d’une des plus anciennes revues mensuelles littéraires françaises ne fait que prouver l’existence de cette élite féminine journalistique. De l’autre côté de l’Atlantique, Eva Circé-côté écrivit sur divers domaines et dans de nombreux journaux réputés tels que L'Avenir, L'Avenir du Nord, Le Combat, Le Monde illustré, Le Monde ouvrier, Le Nationaliste, Le Pays et Les Débats. Elles vont continuer d’occuper cet espace public notamment en organisant des conférences. Dans cet exercice particulier, réservé en principe aux hommes, certaines femmes vont développer des capacités oratoires dignes des plus grands conférenciers, attirant un public de plus en plus nombreux. C’est notamment le cas de Maria Deraismes, grande conférencière, qui traite des sujets de société de plus en plus politiques lors de ses exposés. Par cette prouesse, Maria Deraismes, démontre non seulement la capacité des femmes à être reconnues comme des oratrices de renom, mais aussi la possibilité pour les femmes de s’emparer d’une parole libre, sans concession, au service d’un engagement politique (Primi, 2010, 194).

Sur le plan culturel, les élites féminines ne s’inscrivent pas uniquement dans les courants littéraires même si ce sont elles qui traverseront le mieux les âges. En effet, elles sont nombreuses à écrire que ce soit sur la condition féminine, sujet le plus redondant dans les écrits féminins, ou sur des sujets plus polémiques comme l’a si bien fait Aurore Dupin plus connue sous le pseudonyme de George Sand ou Draga Dimitrijević Dejanović, écrivaine serbe considérée comme première féministe de son pays. Les femmes sont également présentes dans les arts visuels telle que la sculpture avec Anne de Liedekerke ou Elisa Bloch qui réalisera de nombreuses commandes publiques comme le monument à la mémoire de Daguerre, ou encore la peinture où l’on peut citer Camille Claudel ou Geneviève Gavrel, connue pour ses paysages. Ces femmes ont su s’imposer dans des milieux privilégiés et typiquement masculins, s’insérant ainsi dans l’élite française. Ces élites féminines se retrouvent également dans les arts de la scène, les comédiennes sont nombreuses et certaines iront jusqu’à faire des tournées sur les cinq continents comme, par exemple, Sarah Bernhardt ou Céline Montaland. Le XIXème siècle est également favorable aux compositrices et musiciennes telles que Kharboucha, également surnommée Houidda ou Krida de son vrai nom Hadda Al Ghaîtia, chanteuse marocaine engagée qui excellait dans l’art oratoire de la Aïta, ou Clémence de Granval, cantatrice et compositrice de différents types d’œuvres comme des opéras tels que Comtesse Eva, la Pénitente, Piccolino et Mazeppa ou des oratorios, par exemple, Sainte Agnès présenté le 13 avril 1876 à Paris, comme le développe Mathilde Dubesset dans son article « Florence LAUNAY, Les compositrices en France au XIXème siècle » (Dubesset, 2006). Les femmes vont par conséquent influencer les grandes œuvres du XIXème siècle, affirmant leur place au sein de l’élite.

Sur le plan économique, la situation des femmes est plus ambiguë. En effet, la propriété de boutiques tenues par les femmes décline dès la première moitié du XIXème siècle. Toutefois, cette diminution du nombre de boutiques féminines est à nuancer. En effet, comme le montre Claire Zalc dans son article « Femmes, entreprises et dépendances », les données statistiques ne prennent en compte que le nom auquel l’entreprise est enregistrée et non la personne qui en a la charge (Zalc,2005, 61-62). Il semblerait donc s’agir d’une simple question de perte de visibilité des femmes dans le domaine économique et financier. En effet, nombreuses sont les femmes qui travaillent dans des commerces familiaux ou gèrent des entreprises portant le nom de leur époux, on peut notamment citer l’exemple de l’épouse de César Birotteau, commerçant parfumeur renommé. Ce phénomène se justifie principalement par les restrictions, voire interdiction légale dont elles font l’objet pour devenir commerçante. Concernant la finance, les élites féminines peuvent être qualifiées de « femmes de l’ombre » puisqu’elles seront présentes par l’apport de leurs capitaux, ou par leur engagement au sein des relations financières de leur époux comme Betty Rothschild. Ainsi, du point de vue économique et financier, une élite féminine est présente mais relayée au second plan.

De façon plus restreinte, on peut parler d’une élite féminine dans les sciences dures. Si les femmes qui intègrent ce milieu sont peu nombreuses, celles-ci sont à l’origine de travaux importants, sources de progrès non négligeables dans leur discipline. Ces femmes seront membres des grandes institutions de l’époque ou feront l’objet de hautes distinctions, témoignage de leur appartenance à l’élite scientifique. S’agissant de la présence des femmes dans les institutions françaises, il convient de s’intéresser à Sophie Germain, mathématicienne autodidacte, travaillant sur la théorie des nombres. Si elle ne peut rentrer à l’école Polytechnique, réservée exclusivement aux hommes, elle utilisa un subterfuge pour en obtenir les cours et pouvoir ainsi prétendre au prix de l’Académie des sciences. Prix qu’elle reçut en 1816 après deux tentatives infructueuses et lui permit d’assister au cours de l’Institut de France du fait de son seul mérite. Dans le domaine des mathématiques, nous pouvons également citer Mileva Marić qui intégra l’école polytechnique fédérale de Zurich en 1896. Concernant, l’obtention de distinctions, on ne peut que penser à Marie Curie, connue pour ses deux prix Nobel. Elle obtient le premier prix Nobel en physique, avec son époux Pierre Curie et Henri Becquerel pour leurs recherches sur la radioactivité, le second, obtenu dans le domaine de la chimie lui sera entièrement consacré pour sa découverte du radium et du polonium. Elle sera également récompensée à trois reprises, en 1898, 1900 et 1902 par le prix Gegner de l’Académie des Sciences de Paris, et recevra aussi la Médaille Davy, récompensant des scientifiques dans le domaine de la chimie. Irène, sa fille aînée, suivra ces traces en obtenant également un prix Nobel en collaboration avec son époux, Frédéric Joliot, en 1935 pour leurs découvertes sur de nouveaux éléments radioactifs. Plus récemment, Nivine Khachab, chimiste libanaise, fut l’une des cinq lauréats de 2017 du prix pour les femmes et la science, attribué par la Fondation L'Oréal et l'Unesco. Enfin, les femmes vont intégrer le domaine médical, symbole de leur haute instruction. En 1868, après plusieurs péripéties propres à chacune, elles seront quatre : Elizabeth Garrett Anderson, Madeleine Brès, Catherine Gontcharoff, et Mary Corinna Putnam, à suivre des études de médecine en France. Madeleine Brès est la seule française parmi les quatre, elle soutiendra sa thèse en 1875, ayant comme sujet « De la mamelle et de l’allaitement », épreuve qu’elle surmontera avec brio en obtenant la mention très bien. Au Canada, les femmes vont investir largement ce domaine. En 1867, Emily Stowe est la première femme médecin à pratiquer au Canada et crée en 1883, la fondation Women’s College Hospital, première université pour femmes en médecine au Canada. Il faudra attendre 1875 pour que la première femme médecin exerce légalement, il s’agit de Jennie Kidd Trout. Nous ne pouvons terminer ce laïus sur les élites féminines dans les sciences sans citer Tawhida Ben Cheikh, première femme médecin dans le monde arabo-musulman, qui exerce la médecine générale, la pédiatrie et la gynécologie. Ces hautes études, leurs diplômes et la reconnaissance de leurs travaux par une partie de la communauté scientifique vont conférer à certaines d’entre elles le statut d’élite.

Malgré les apparences, les révolutions et luttes pour l’indépendance ont donné un souffle nouveau aux élites féminines francophones. De plus, les gouvernements vont commencer à légiférer en faveur des femmes notamment dans le domaine de l’éducation, ce qui ne sera que bénéfique pour l’essor de nouvelles vagues d’élites féminines. Toutefois, il faudra attendre la première moitié du XXème siècle pour que les lois sur la condition des femmes aient un réel impact sur les élites féminines. Les statistiques sur la proportion de filles dans les écoles, malgré les lois, sont assez révélatrices de la lenteur des effets de ces textes législatifs. En effet, en 1860, en France, 1607 garçons suivent les cours des écoles professionnelles des métiers artistiques alors que seulement 202 filles fréquentent régulièrement ces écoles (Albistur et Armogathe, 1977, 312). Néanmoins, ces initiatives étatiques, accompagnées d’un contexte politique et économique favorable, permettront leur « démocratisation ».

III. Une « démocratisation » généralisée des élites féminines, à partir du XXème siècle

La première source de démocratisation des élites féminines va se faire par le biais de l’éducation et de l’instruction des femmes. Le rôle de la formation des élites a fait l’objet de nombreuses études. Si ces études portent surtout sur la France et ses grandes écoles ce n’est pas le seul pays à faire l’objet d’investigation sur ce sujet. Nous pouvons notamment citer le cas de la Grèce (Panayotopoulos, 1998, 77), ou encore celui du Maroc ou de la Tunisie. Au Canada, on répertorie des bachelières dès 1888, l’école normale et l’université des arts ouvrent leurs portes aux femmes à partir de l’automne 1884. Il faut attendre 1908 pour que le ministère de l’instruction publique français finance des préparations aux baccalauréats dans les lycées de filles. Néanmoins, ce n’est qu’en 1924 que le baccalauréat s’ouvre aux filles dans les mêmes conditions et sur les mêmes fondements que les garçons. Cet accès au baccalauréat constitue une véritable avancée pour les femmes qui peuvent dorénavant s’inscrire à l’université, et ainsi prétendre à intégrer l’élite intellectuelle francophone. Les femmes vont peu à peu investir ce nouvel espace. À la veille de la Première Guerre mondiale, elles représentent un dixième des effectifs dans les instituts français de sciences, contre un tiers dans les facultés de lettres (Schweitzer, 2010, 34-35). A la même époque, en Suisse, un quart des effectifs universitaires sont des femmes. Ces femmes ne se limitent pas au diplôme de premier niveau de l’université mais vont jusqu’à soutenir des thèses. C’est notamment le cas de Suzanne Bastid-Basdevant qui soutient sa thèse de droit en 1930 sur le thème « les fonctionnaires internationaux » et passera même l’agrégation de droit public l’année suivante, qu’elle obtient. Elle aura une carrière brillante en étant professeur de droit international public, chef de cabinet de son mari, Paul Bastid, ministre du Commerce, puis en étant membre de nombreuses institutions comme par exemple la Société française pour le droit international ou la Commission française pour l'UNESCO. Madame Bastid-Basdevant sera élue en 1971 à l’académie des sciences morales et politiques. Un prix Suzanne-Bastid, est même créé en son honneur, signe de son appartenance à l’élite. Le prix Suzanne-Bastid est décerné chaque année par la Société française pour le droit international.

En 1939, les femmes constituent un tiers des effectifs universitaires (Perrot, 2011, 7). Depuis, 1980, l’université de Genève compte plus d’étudiantes que d’étudiants, signe de leur volonté d’indépendance et de leur souhait d’embrasser de grandes carrières pour ainsi intégrer l’élite. Toutefois, si les femmes investissent pleinement les universités pour obtenir de nouvelles connaissances, leur rôle dans la recherche et l’enseignement supérieur est relatif. En effet, en 1946, on ne recense que 3 professeurs femmes sur 77 à la faculté de sciences de Paris alors que l’on compte 18 assistantes ou préparatrices sur 98. (Schweitzer, 2010, 62). Même si ces chiffres se sont améliorés le nombre d’élites féminines dans la recherche est à déplorer. Par exemple, en 2003, on compte à peine 11 % de directrices de recherche de première classe au CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) (Latour, Le Feuvre, 2006, 172). L’ouverture des universités aux femmes, a tout de même favorisé la création d’élites féminines. L’université ne sera pas la seule à jouer ce rôle, les grandes écoles auront aussi le leur. On peut notamment citer Science Po qui accepte les femmes dès 1919, avec le même enseignement que les hommes, de ce fait, les femmes gagneront en légitimité, facilitant ainsi leur adhésion au sein des élites politiques.

Concernant la politique à proprement parler, une élite féminine se met en place dès la première moitié du XXème siècle en intégrant les gouvernements. En effet, en 1936, Léon Blum nomme trois femmes dans son gouvernement : Cécile Brunschivcg, sous-secrétaire d’État à l’éducation nationale, Irène Joliot-Curie, sous-secrétaire d’État à la recherche scientifique et Suzanne Lacore, sous-secrétaire d’État à la protection de l’enfance. Il faut attendre 1946 pour qu’une femme soit nommée sous-secrétaire d’État à Haïti, elle était en charge de l’éducation. Au cours de cette même année, Naxjie Dume exerce pour la deuxième année consécutive la fonction de ministre de l’éducation et de la Science en Albanie, poste qu’elle occupera jusqu’en 1948. En France, c’est en 1947, qu’une femme accède pour la première fois à un poste de ministre de la République, plus précisément celui de ministre de la santé publique et de la population, il s’agit de Germaine Poinso-Chapuis. La même année, en Bulgarie, Stola Dragoycheva sera nommée ministre des postes, télégraphes et téléphones, fonction qu’elle occupera durant 10 ans. L’engagement des femmes au sein des gouvernements ne cessera de progresser. Dans la majorité des gouvernements de l’espace francophone, les élites féminines ont su se faire une place. Si au début du XXIème siècle, les élues féminines représentent, en France, 47 % des commissions parlementaires des affaires culturelles, familiales et sociales (Schweitzer, 2010, 131) et la moitié des ministres, dans d’autres pays, les femmes ont été élues présidentes, symbole de leur présence au sein de l’élite, on peut notamment citer Catherine Samba-Panza, chef de l’État centrafricain du 23 janvier 2014 au 30 mars 2016 ou Ameenah Guerib-Fakim, présidente de la République de Maurice du 5 juin 2015 au 23 mars 2018.

Cette place privilégiée pour les femmes aura un double effet positif. D’une part, elles seront reconnues par leurs paires en tant qu’élite politique. D’autre part, ces élites seront mises en lumière. Les élites féminines utiliseront également d’autres champs du domaine politique tels que les syndicats. Dans un premier temps, elles seront présentes au sein des organisations féminines, on peut, par exemple, citer Marguerite Decaux, militante au sein de l’union centrale des syndicats professionnels féminins de la rue de l’Abbaye (Cova et Dumons, 2010, 146). Dans un second temps, elles prendront part à tout type de syndicat comme le fait Jeanne Graff en 1932 en intervenant au 5ème congrès de la Confédération internationale des syndicats chrétiens. Des réseaux de femmes syndicalistes sont créés au sein de divers pays comme en Côte d’Ivoire, preuve de leur engagement dans ces organisations.

Du point de vue culturel, les femmes vont continuer leur ascension, confortant leur place d’élites. S’agissant des arts visuels les femmes investissent les multiples professions et sont de plus en plus nombreuses et renommées telles que Simone Signoret ou Nadine Labaki. En effet, en 1959, l’actrice Simone Signoret reçoit au festival de Cannes le prix d’interprétation féminine pour son rôle dans Les chemins de la haute ville, l’année suivante, elle remporte l'Oscar de la meilleure actrice. En 1977, elle obtient le César de la meilleure actrice pour La vie devant soi. Concernant l’actrice, réalisatrice et scénariste Nadine Labaki, elle reçut divers prix en 2011 pour son film « Et maintenant, on va où ? » et reçut cette année le prix du jury du festival de Cannes pour son film Cafarnaúm. Il en va de même dans la musique avec le développement de chanteuses mondialement connues telles que Maria Callas, Marie Misamu, ou encore Edith Piaf, dont l’histoire fera même l’objet d’un film en 2007. Il convient de faire un aparté sur les musiciennes puisqu’il faut attendre le début des années 1980, en France, pour qu’elles puissent être recrutées de manière plus anonyme, c’est-à-dire derrière des paravents, et que leur place progresse nettement dans les grands orchestres symphoniques. (Ravet, 2003, 173). Si, en 2018, les femmes ne représentent que 5 % des chefs et directeurs artistiques d’orchestre en France, elles sont 14 % au Canada. Malgré tout, les femmes occupant la place de premier violon ou celles exerçant le poste de chef d’orchestre, restent rares mais sont le reflet de cette élite féminine artistique.

Ainsi, si la démocratisation des élites féminines au cours du XXème siècle est marquante dans les systèmes éducatifs et politiques francophones, elle se perçoit également à travers les arts où les femmes sont de plus en plus nombreuses mais aussi de plus en plus reconnues par leurs semblables masculins. Cependant, l’élément dans lequel cette démocratisation et cette montée en puissance des élites féminines est le plus visible est le milieu professionnel. Personne ne peut nier que la société économique liée à l’organisation du travail subit une profonde mutation. Cette transformation n’est-elle pas une opportunité pour les femmes d’accompagner ce changement et de s’installer sur le long terme comme des références élitistes.

IV. Focus sur la voie professionnelle, voie royale de la « démocratisation » des élites féminines

Comme nous venons de le démontrer, les femmes ont su s’imposer dans de divers et variés domaines professionnels. Cette ubiquité des femmes dans le domaine professionnel ne va cesser de s’étoffer au cours du XXème siècle, promouvant ainsi les élites féminines au cœur de chaque corps de métiers.

En matière de sciences dites dures, les élites féminines seront loin de faire l’unanimité. Si leur entrée dans les professions est possible depuis la seconde moitié du XIXème siècle pour la médecine, leur présence au sein des établissements n’est pas tolérée. Pour illustrer ce propos, nous pouvons citer le cas de Madame Edwards-Pilliet, interne des hôpitaux, son effigie fut brûlée par les étudiants en signe de protestation de voir les femmes investir des postes traditionnellement masculins (Michel, 1979,70). Malgré ces vives contestations, elles continueront à intégrer le corps médical comme le fit Tawhida Ben Cheikh, ou Iqbal Al Assad, déclarée à l’âge de 20 ans la femme médecin la plus jeune au monde. En 1920, « 160 femmes exercent la médecine à Paris et autant en province soit 320 » (Schweitzer, 2010, 38). Cette féminisation des professions médicales va augmenter au fil des décennies, les femmes occupant des postes de tous niveaux. Toutefois, une proportion grandissante de médecins femmes, passant de 26,1 % en 1986 à 37,2 % en 2004 (Bessière, 2005, 20), et de chirurgiennes est à souligner, puisque celles-ci représentent l’élite féminine médicale. En 2004, elles représentaient 35 % de la profession de médecin en Belgique et 36 % en Grèce. Les élites féminines sont également présentes dans d’autres domaines des sciences dures tels que les mathématiques ou la physique même si ce n’est qu’en 1970 qu’un décret ouvre les portes de l’école Polytechnique, symbole des mathématiques abstraites, aux femmes. Parmi ces femmes scientifiques, certaines se démarqueront par la qualité de leurs travaux recevant des distinctions, signe de reconnaissance suprême de l’élite féminine scientifique. C’est notamment le cas de Sylvia Serfaty et Nalini Anantharaman détentrices du prix Henri-Poincaré.

S’agissant du domaine commercial et financier, les femmes dirigeantes de grandes entreprises, emblèmes de l’élite féminine économique, sont plutôt rares. Cette position de l’élite féminine économique est due en partie à leur absence de visibilité et aux lois qui ne sont pas toujours en leur faveur. Toutefois, la proportion de femmes nées en France parmi les petits entrepreneurs va croître, entre 1922 et 1940, comme le montre l’étude de Claire Zalc intitulée « femmes, entreprises et dépendances » (Zalc, 2005, 57). Les femmes commerçantes sont également présentes dans les pays francophones d’Afrique, lorsqu’elles réussissent elles sont surnommées « Nana-Benz4 ». Aujourd’hui, nous constatons une augmentation du nombre de femmes au sein des professions libérales, comme le montre Annie Fouquet dans son étude « les femmes chefs d’entreprises », ce qui confirme l’existence d’une élite féminine professionnelle, puisque les professions libérales nécessitent un haut niveau d’études, premier facteur des élites. Toutefois, si les femmes sont plus présentes dans ces domaines, on ne peut en dire autant pour les grandes entreprises. En effet, en 2000, elles sont 3 % à la tête d’entreprises de plus de 500 salariés et leur progression n’est depuis que de 0,9 % par an. Elles ne représentent que 8 % des administrateurs des entreprises du CAC 40 en 2008. Toutefois, certaines femmes tirent leur épingle du jeu, symbole de leur appartenance à l’élite, c’est le cas de Maro Hadya Diagana qui a ouvert un centre d’affaires à Nouakchott en Mauritanie. Si ces femmes sont peu nombreuses, elles sont néanmoins membres de l’élite économique de par leur niveau d’études, le prestige des écoles qu’elles ont fréquentées, et leur rang dans la société. On peut notamment citer en exemple, Anne Lauvergeon, normalienne du corps des mines, directrice adjointe d’Alcatel, puis PDG de la Cogema-Areva, classée en 2006 comme la seconde femme d’affaires la plus puissante du monde par le magazine Forbes. Afin de favoriser cette élite féminine au sein des grandes entreprises, le gouvernement français, en février 2006, a instauré un quota obligatoire de 20 % de femmes au sein du CAC 40. Même si dans la pratique ce quota n’est pas atteint, un accroissement du nombre de femmes parmi ces élites économiques est à souligner.

De manière surprenante, ce sont les professions réglementées par l’État telles que les professions juridiques et celles de la fonction publique qui seront le plus tardivement ouvertes aux femmes, limitant ainsi leur ascension au sein des élites étatiques. Dès leur création, les professions juridiques, sont des domaines réservés aux hommes, c’est pourquoi il fallut attendre le début du XXème siècle, pour qu’une élite féminine apparaisse au sein de ces professions. L’achat d’offices comme ceux de notaires ou d’huissiers, en France, était interdit aux femmes jusqu’en 1948, à l’exception de ceux des commissaires-priseurs, ouverts aux femmes en 1924. Ces offices font partie des dernières professions à s’ouvrir aux femmes, limitant ainsi la formation d’élite féminine en leur sein. La première profession juridique à s’ouvrir aux femmes, leur permettant ainsi l’accession aux élites juridiques est celle d’avocat. En effet, en 1900, Jeanne Chauvin devint alors la première femme inscrite au tableau de l’ordre des avocats de Paris tandis qu’en Belgique, il faut attendre 1922 pour que la profession leur soit ouverte. En Tunisie, la première femme à prêter serment est Claude Sarfati en 1956. L’accès à la profession d’avocat offre ainsi aux femmes une visibilité encore inattendue jusque-là. En devenant actrices de la justice, les journaux parlent d’elles et des procès qu’elles mènent. S’agissant de la magistrature, symbole suprême des élites juridiques, la conquête sera plus longue et tumultueuse. Le premier pas vers l’acceptation des femmes dans ce domaine, en France, est leur autorisation au sein de Conseils des Prud’hommes par la loi du 15 novembre 1908 émanant du député René Viviani. Il faut attendre 1931 pour qu’elles accèdent aux tribunaux de commerce. C’est enfin par la loi du 11 avril 1946 qu’elles sont admises dans le corps de la magistrature (Boigeol, 1993, 490). Dès le 16 octobre de cette même année, Madame Lagarde devient conseillère à la chambre sociale5. Les femmes seront nombreuses à s’engager dans ce parcours élitiste. Elles seront 18 % en 1949 à embrasser la profession, puis 31 % en 1950 et 61 % en 1957, leur progression à l’école nationale de la magistrature est régulière, jusqu’à nos jours où elles constituent 82 % des admis (Schweitezer, 2010, 64). Si au Canada, les femmes ont pu accéder à la magistrature dès 1943, elles ne représentent que 43 % du corps. En Mauritanie, il a fallu attendre 2014 pour qu’une femme accède à la fonction de magistrat, il s’agit d’Oumama Mint Cheikh Sidya. L’importance de l’admission des femmes dans ce corps prouve que l’existence d’une élite féminine juridique ne peut être contestée.

Concernant la fonction publique à proprement parler, la place pour les femmes s’est faite progressivement et non sans difficulté. C’est en 1893 qu’apparaît la première femme dans la fonction publique belge, Alice Bron. Mais, en 1934 toutes les fonctions du secteur public belge sont désormais réservées aux hommes ; toutefois à la suite de protestations, les femmes retrouveront leur place dans le secteur public. En France, même si le statut général des fonctionnaires interdit toute distinction en raison du sexe, ce n’est qu’à la fin des années 1970 que sera supprimée la quasi-totalité des interdictions faites aux femmes d’accéder à des emplois publics et notamment aux hautes fonctions. Toutefois, si tous les grades militaires sont ouverts aux femmes en 1972, on ne peut pas en dire autant des écoles militaires puisque l’école navale ne les acceptera en son sein qu’en 1992 (ibid, 99). La féminisation de la fonction publique, tous domaines et ministères confondus, par la levée de ces interdictions va être spectaculaire. Les administrations des ministères rattachées à Bercy sont proches de la parité concernant les fonctionnaires de catégorie A, preuve de leur compétence. Même si elles ne sont plus qu’un quart au niveau A+ (Jacquemart, Le Mancq et Pochic, 2016, 28), ces femmes sont surqualifiées socialement et scolairement. En effet, les femmes de l’élite étatique ont des profils similaires se caractérisant par un niveau social élevé et un parcours scolaire d’excellence avec notamment l’intégration de grandes écoles telles que l’ENA (Ecole nationale d’administration).

Ainsi, les femmes investissant les postes à hautes responsabilités ou plus particulièrement ce que l’on peut qualifier de « sommet des hiérarchies professionnelles » (ibid, 30), remplissent tous les critères élitistes, faisant d’elles des élites de l’État.

In fine, une véritable élite féminine professionnelle se développe dans de nombreux domaines et se démocratise par le nombre. De plus, ces élites vont gagner en visibilité par l’obtention de prix et de distinctions. Cette féminisation des élites sera renforcée, d’une part par la création d’associations, par exemple « administration moderne » en 1998, pour favoriser l’accès des femmes aux postes à hautes responsabilités, ou encore l’association des femmes productrices de manioc d’Agni-Zok, au Gabon. On retrouve, aussi, des associations favorables aux élites féminines au sein des ministères, notamment en France où on peut citer les trois plus anciennes qui sont : « Femmes et diplomatie » fondée en 2008, « Femmes de l’intérieur » instituée le 25 septembre 2013 et « Femmes de justice » créée le 20 juin 2014. D’autre part, les gouvernements développent des textes législatifs en faveur de ces élites. En effet, en France, le 6 mars 2000 une circulaire de Matignon invite les ministères à mettre en place un « plan pluriannuel d’amélioration de l’accès des femmes aux emplois et postes d’encadrement supérieur » contenant des objectifs chiffrés de « taux de féminisation à atteindre ». On peut également citer la loi Sauvadet du 12 mars 2012 qui instaure des quotas de 40 % de chaque sexe minimum pour les primo-nominations aux emplois d’encadrement supérieur à partir de 2017, ainsi que pour les conseils d’administration ou équivalents des établissements publics, les jurys de concours, les commissions administratives paritaires et les organes consultatifs. On peut également citer le cas du gouvernement tunisien, dans lequel la ministre de la femme lors d’une interview en décembre 2017 évoquait la mise en œuvre de plusieurs plans afin de parvenir à la parité en 2020. Cet encouragement à la féminisation des « hautes » professions se retrouve au niveau planétaire notamment lors des Conférences mondiales des Nations Unies sur les droits des femmes ou à travers la Convention sur l’élimination de toutes formes de discriminations à l’égard des femmes, adoptée en 1979 par les Nations Unies qui forme la pierre angulaire des droits internationaux des femmes.

Conclusion

En conclusion, même si le contour de la notion d’élites féminines est difficilement définissable, son existence est réelle. Les élites féminines de l’espace francophone ont évolué au cours des siècles avec la société et ses déboires. En effet, lors des crises économiques, et des grands changements politiques, elles semblent disparaître de la sphère visible de ce domaine. Si les élites féminines ont toujours existé, elles se développent surtout à partir du XXème siècle. Toutefois, elles restent quantitativement moins importantes que les élites masculines. Pour illustrer ce propos, intéressons-nous à la part des femmes au sein de l’Académie française. Elles sont au nombre de huit à avoir intégré les quarante membres de cette institution. Aujourd’hui, on en compte quatre sur trente-cinq : Dominique Bona, Hélène Carrère d’Encausse, Florence Delay et Danièle Sallenave. De plus, les postes à très hautes responsabilités sont principalement occupés par les hommes. Il paraît donc encore exister un plafond de verre limitant dans de moindre mesure l’élite féminine francophone. Les divers gouvernements semblent souhaiter favoriser le développement de ces élites féminines à travers la mise en œuvre de quotas. Ces quotas sont « applaudis » par de nombreux acteurs et rapports. En effet, un rapport publié en février 2017 par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes confirme l’impact positif de ceux-ci : « En l’absence de contraintes légales fermes, les stratégies de cooptation entre les hommes se perpétuent et le partage des responsabilités s’arrête aux portes du pouvoir ». On peut néanmoins se demander si ces quotas n’auraient pas un effet pervers et ne seraient pas finalement préjudiciables aux élites féminines. En effet, l’existence de ces quotas peut remettre en cause la légitimité des femmes présentes dans les hautes fonctions et avoir un effet stigmatisant. Un autre point négatif est soulevé concernant les quotas, c’est qu’ils ne résolvent pas l’origine des inégalités, ils ne font que limiter la visibilité de celles-ci au sein des entreprises, de la politique. Ce sujet du rôle des quotas, et de leurs conséquences, fait débat au sein de la communauté scientifique et suscite de nombreux écrits c’est notamment le cas de Mesdames Jacqueline Laufer et Marion Paoletti qui ont écrit en 2015 un article intitulé « Quotas en tous genre ? ». Malgré ces critiques, les quotas qui sont un outil et non une fin en soit, semblent indispensables en l’état actuel de la « société francophone » pour faire évoluer la situation et parvenir à une véritable égalité de fait.

1 Cette phrase a été prononcée lors de son discours pour les obsèques de Madame Louis Blanc le 26 avril 1876.

2 Pour plus de développement sur les termes d’espace francophone et de francophonie et de leurs évolutions consulter : Provenzano F. (2006), « La "

3 Pour plus d’informations sur le cas des femmes dans l’espace francophone africain : Coquery-Vidrovitch C. (1997), « Histoire des Femmes d'Afrique »

4 Nom donné, au Togo, au début des années 1960 sous la présidence d’Eyadéma, aux grandes commerçantes spécialisées dans la vente du tissu dit « wax »

5 Pour plus d’informations sur ce point, consulter : Debré J.-L. (2008), Les oubliés de la République, Paris, Fayard.

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Notes

1 Cette phrase a été prononcée lors de son discours pour les obsèques de Madame Louis Blanc le 26 avril 1876.

2 Pour plus de développement sur les termes d’espace francophone et de francophonie et de leurs évolutions consulter : Provenzano F. (2006), « La "francophonie" : définitions et usages », Quaderni, n°62, hiver 2006-2007 p. 93-102 ; https://www.cermf.org ; https://www.francophonie.org.

3 Pour plus d’informations sur le cas des femmes dans l’espace francophone africain : Coquery-Vidrovitch C. (1997), « Histoire des Femmes d'Afrique », Clio. Histoire‚ femmes et sociétés, n° 6, disponible sur : https://journals.openedition.org/clio/703, consulté le 05/06/2019.

4 Nom donné, au Togo, au début des années 1960 sous la présidence d’Eyadéma, aux grandes commerçantes spécialisées dans la vente du tissu dit « wax », tissu notamment destiné à la confection des pagnes. Le terme « Benz » se réfère alors à la voiture de marque Mercedes-Benz et le terme « Nana », dérivé de la langue ewé, signifie « mère ». Ce syntagme illustre les relations entre les femmes d’affaires et le politique puisque cette association de mots rappelle que les femmes commerçantes, riches, prêtaient leur véhicule aux hommes de la classe politique.

5 Pour plus d’informations sur ce point, consulter : Debré J.-L. (2008), Les oubliés de la République, Paris, Fayard.

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Référence électronique

Pauline Girard, « Les élites féminines : actrices historiques de l'espace francophone », Revue internationale des francophonies [En ligne], 5 | 2019, mis en ligne le 14 juin 2019, consulté le 29 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/rif/index.php?id=875

Auteur

Pauline Girard

Diplômée en Histoire du droit et des institutions, Pauline Girard a conclu son master 2 par un mémoire intitulé « Féminisme et catholicisme en droit français et argentin ». Actuellement doctorante spécialisée en histoire du droit, elle est membre de l’Institut de Recherche Montesquieu de l’Université de Bordeaux. Elle est intervenue lors du colloque international organisé à Erevan sur le thème des élites féminines dans l’espace francophone.

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