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La responsabilité du banquier à l’épreuve des procédures collectives

Marie-Anaïs Cerato

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1La responsabilité du banquier est une question récurrente du droit des sociétés et plus particulièrement du droit des procédures collectives. C’est sur ces deux terrains que l’arrêt ici étudié va rappeler les principes essentiels en la matière. Tout d’abord, en matière de procédure collective, l’article L. 650-1 du Code de commerce pose le principe de l’irresponsabilité du banquier. Cette irresponsabilité légale ne tombe qu’à deux conditions cumulatives, l’existence d’un des trois faits excluant le principe et d’une faute. Ensuite, et c’est hors du domaine des procédures collectives que ce principe est rappelé, le devoir de conseil et de mise en garde est exclusivement dû à une caution profane.

2En mars 2004, la société Airbruch Tanning ouvre un compte professionnel en les livres de la Banque Rhône-Alpes. Trois ans plus tard, le gérant de cette société, M. I., s’engage en qualité de caution. Le tribunal de commerce de Lyon par un jugement datant de 2008 ouvre une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Airbruch Tanning, procédure collective convertie en liquidation judiciaire deux ans plus tard. La banque met alors en demeure le gérant de régler les sommes dues à raison de sa qualité de caution. Face au non-respect de ses engagements, elle assigne M. I. devant le tribunal de commerce de Lyon qui, par un jugement en date du 10 septembre 2013, le condamne au paiement de toutes les sommes dues.

3Le 12 février 2014, M. I. interjette appel de la décision considérant que la banque a commis une faute en accordant abusivement une ligne de crédit et une ligne d’escompte à la SARL Airbruch Tanning et a manqué à son devoir de mise en garde et de conseil envers lui.

4La cour d’appel doit ici répondre à plusieurs questions sur la responsabilité du banquier. Quelles sont les conditions d’engagement de la responsabilité de la banque en procédure collective ? Et qui est créancier du devoir de conseil et de mise en garde incombant au banquier ?

5Les magistrats répondent aux deux interrogations par deux attendus distincts. Le premier se situe dans le cadre particulier des procédures collectives, alors que le deuxième touche la responsabilité que l’on pourrait qualifiée de « droit commun » du banquier.

I/ Principe d’irresponsabilité du banquier en procédure collective : cas d’exclusion et faute de la banque.

6Dans le cas particulier des procédures collectives, la responsabilité du banquier ne peut être mise en jeu qu’après qu’il ait été démontré l’existence d’un acte excluant la protection légale offerte par l’article L. 650-1 du Code de commerce. Une fois cette irresponsabilité de principe écartée, il reste classiquement à prouver une faute, un préjudice et un lien de causalité

7Ainsi par principe, dès lors qu’une procédure collective est ouverte la banque est irresponsable sauf à prouver qu’elle a commis un fait relevant des trois cas d’exclusion d’irresponsabilité prévus par la loi. Ces trois cas sont la fraude, l’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur et la disproportion entre les garanties prises et les concours octroyés. Ici, et c’est assez lapidairement que la cour écarte cette question, il n’est en rien démontré l’existence d’un fait relevant de l’un des trois cas d’exclusion.

8Ajoutons de plus, et cela a été confirmé par un important arrêt en date du 27 mars 2012 (Cass. com., 27 mars 2012, n° 10-20077 : Gaz. Pal. 2 juin 2012, p. 38, I9954, note S. Reifegerste), que les trois comportements visés à l’article L. 650-1 du Code de commerce ne suffisent pas en eux-mêmes à engager la responsabilité du banquier, ils ne constituent que des cas de déchéance de la protection légale. La responsabilité de la banque pour soutien abusif ne sera alors retenue que si l’une des hypothèses d’exclusion de l’irresponsabilité est qualifiée et qu’une faute peut, au surplus, être établie. Or, en l’espèce, la preuve d’une telle faute n’était pas rapportée.

9En effet, après avoir rappelé qu’il appartient au gérant qui l’invoque, de prouver une faute de la banque, la cour d’appel étudie tous les actes de cette dernière susceptibles d’engager sa responsabilité auprès du gérant. Ainsi les juges ont, tout d’abord, considéré que la situation de la société au jour de l’octroi du crédit n’était pas irrémédiablement compromise. Ils ont, ensuite, conclu que la grande diligence de la banque empêchait la caractérisation d’une faute de sa part. Enfin, ils ont exclu la faute de la banque du fait des crédits qu’elle avait consenti à la société sur demande de son gérant. La cour rappelle ici qu’un gérant ne peut pas reprocher à une banque d’avoir consenti à sa société les crédits qu’il a lui-même sollicités.

10En l’espèce, les circonstances exceptionnelles propres à caractériser une faute de la banque ne sont donc pas démontrées. Il n’y a alors pas de soutien abusif et, par conséquent, pas de faute de la banque.

11Dans l’arrêt étudié, la cour d’appel répond donc consciencieusement aux prétentions de la caution, passant au-delà de l’inexistence d’un fait relevant des trois cas d’exclusion de l’irresponsabilité, pour étudier malgré tout l’existence d’une faute de la banque. Ainsi même s’il avait existé une fraude, une immixtion caractérisée dans la gestion ou une disproportion, en l’absence de toute faute la responsabilité de la banque n’aurait pas pu être engagée.

II/ Devoir de conseil et de mise en garde : une seule condition, la qualité de caution avertie.

12Dans cet arrêt, la banque rappelle, dans son argumentaire approuvé par la cour, trois points essentiels s’agissant de la responsabilité du banquier.

13D’une part, le devoir de mise en garde dû à la caution profane ne fait pas supporter à la banque le risque de l’opération financée dans des conditions normales. Ainsi, en plus de la qualité de profane de la caution, pour engager la responsabilité du banquier il faut prouver que l’opération avait été financée à des conditions anormales, or les premiers remboursements montrent que l’opération était viable lors de sa conclusion.

14D’autre part, la diligence de la banque sur la question des engagements de la caution empêche cette dernière d’invoquer la disproportion de ses engagements.

15Enfin, c’est peut-être là l’un des points les plus importants de l’arrêt, le devoir de conseil et de mise en garde est exclusivement dû à une caution profane. Or ici la caution n’est pas profane. L’implication de M. I. dans la gestion de la société, sa formation et son expérience font de lui une caution avertie faisant tomber la seule condition au devoir de mise en garde du banquier, à savoir la qualité profane de la caution.

Arrêt commenté :
CA Lyon 4 décembre 2014 n° 14-01.168 JurisData : 2014-030399



Citer ce document


Marie-Anaïs Cerato, «La responsabilité du banquier à l’épreuve des procédures collectives», BACALy [En ligne], n°6, Publié le : 05/02/2015,URL : http://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=1425.

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À propos de l'auteur Marie-Anaïs Cerato

Doctorante, Université Jean Moulin Lyon 3.


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